La Russie défie les sanctions : les importations de CPU d’Intel et d’AMD augmentent malgré l’encerclement international

La Russie défie les sanctions : les importations de CPU d'Intel et d'AMD augmentent malgré l'encerclement international

Russes composent des processeurs malgré les sanctions

Les statistiques officielles indiquent une chute drastique, tandis que les entreprises russes soutiennent le contraire : les processeurs continuent d’arriver sans signes de pénurie.

La Russie aurait trouvé le moyen de contourner les sanctions technologiques imposées par les États-Unis et l’Europe. Selon des données officielles des douanes russes, les importations de processeurs américains ont chuté de manière spectaculaire en 2024 : une baisse de 95 % pour Intel et de 81 % pour AMD. Cependant, ces chiffres contrastent fortement avec les déclarations des entreprises technologiques locales, qui affirment avoir augmenté leurs achats de 30 % par rapport à l’année précédente.

Cette contradiction entre la version officielle et la réalité du marché crée une incertitude croissante. Alors que le Service fédéral des douanes (FTS) annonce une baisse significative des enregistrements, les fabricants russes déclarent recevoir plus de puces que jamais et ne signalent aucune difficulté d’approvisionnement. Des dirigeants d’entreprises comme Rikor ou le Groupe Lotus affirment : « Il n’y a pas de pénurie ». En effet, certains indiquent qu’en 2024, plus de 120 000 unités ont été importées, dépassant d’un tiers les niveaux de l’année précédente.

Trafic opaque et étiquetage clandestin

La clé de ce phénomène semble résider dans l’opacité du processus d’importation. Dans de nombreux cas, les processeurs ne sont pas déclarés comme tels, étant intégrés dans des catégories plus larges ou ne mentionnant pas le contenu des conteneurs. Cette stratégie permet d’éviter le contrôle du commerce international et de faciliter l’accès aux microchips même depuis des pays alliés à l’Occident.

Hong Kong, l’Inde et surtout la Malaisie — qui a déjà été signalée pour avoir augmenté ses exportations technologiques de 3 400 % — sont devenus des points de transit essentiels. De là, les CPU arrivent en Russie reétiquetés, sans marques visibles ou même mélangés avec d’autres composants matériels, rendant leur traçabilité difficile.

Augmentation des prix modérée et demande stable

Malgré ce réseau logistique complexe et les coûts supplémentaires de ces opérations, les prix n’ont pas explosé comme on aurait pu s’y attendre. Les entreprises rapportent des hausses modérées, se situant entre 10 % et 12 %, considérées comme accessibles face à l’alternative de suspendre la production. Les prévisions pour 2025 n’indiquent pas de signe de ralentissement : on estime qu’environ 300 000 nouveaux processeurs seront nécessaires pour le marché intérieur des serveurs.

De plus, la production nationale d’équipements informatiques en Russie a atteint 181 milliards de roubles en 2024, selon Rosstat, soutenant l’idée d’une reprise de l’industrie technologique locale.

Un jeu géopolitique autour des puces

Cette situation remet en question l’efficacité réelle des sanctions américaines. Alors que Washington renforce son discours contre Moscou, dans les faits, les processeurs continuent d’affluer. Les entreprises américaines ne sont pas directement impliquées, mais le contrôle sur les canaux secondaires — où agit des intermédiaires asiatiques — semble faible voire délibérément flexible.

Le rapport de Help Net Security avertit également qu’une partie des CPU importées finit par être utilisée dans des secteurs sensibles, y compris les infrastructures critiques, l’intelligence artificielle et la défense, où l’approvisionnement en puces avancées est essentiel pour maintenir la compétitivité face à l’Occident.

Conclusion : la validité des sanctions en question

Le cas russe démontre que les sanctions, sans un système mondial de traçabilité et de coopération douanière, peuvent aisément être contournées. Loin d’isoler technologiquement le pays, l’embargo a encouragé la création d’un réseau parallèle d’approvisionnement qui continue de prospérer.

En attendant, la Russie continue d’importer plus de puces qu’avant le conflit en Ukraine, avec des prix à peine plus élevés et une chaîne d’approvisionnement de plus en plus sophistiquée. Le rapport entre géopolitique et technologie, loin de se résoudre, se renforce.

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