La société néerlandaise ASML a récemment dévoilé l’incroyable parcours qui l’a menée à devenir la seule entreprise capable de produire les scanners de lithographie ultraviolette extrême (EUV) indispensables à la fabrication des puces les plus avancées au monde. Un chemin qui a exigé 20 ans de recherche, un investissement dépassant 40 milliards de dollars et un réseau mondial de fournisseurs sans précédent. Face à cette prouesse, la Chine reste en retard d’environ deux décennies, selon le dernier rapport de Goldman Sachs, piégée dans un goulet d’étranglement technologique et géopolitique qui risque de se creuser dans les années à venir.
Vingt ans d’avancées, du 65 nm au 2 nm
ASML a présenté une chronologie qui illustre crûment l’effort déployé :
- 2003 : utilisation de la lithographie ArF Dry à 193 nm, suffisante alors pour fabriquer des puces de 65 nm.
- 2007 : arrivée de l’ArF par immersion, également à 193 nm, permettant de passer à 28 nm.
- 2017 : avènement du EUV de 13,5 nm, ouvrant la voie aux nodes de 7 nm et 5 nm, se consolidant entre 2019 et 2020.
- 2023 : lancement des équipements EUV High-NA, avec un pouvoir de résolution supérieur, orientés vers les 2 nm et moins.
À chaque étape, cela a nécessité des laboratoires de pointe, des prototypes infructueux et des milliards de dollars investis pour peaufiner des processus impossibles à reproduire sans un écosystème mondial hautement spécialisé.
En conséquence, aujourd’hui, chaque machine EUV High-NA coûte près de 400 millions de dollars, un prix astronomique que seuls les grands fabricants — comme TSMC, Intel ou Samsung — peuvent se permettre.
La Chine, toujours à la traîne
Parallèlement, l’industrie chinoise des semiconducteurs n’a pas réussi à reproduire un seul prototype fonctionnel de scanner EUV. Malgré des annonces de brevets et de prétendues démonstrations, aucune preuve publique ne confirme l’existence d’un système comparable à celui d’ASML.
Les fabricants locaux comme SMIC doivent se contenter de technologies DUV plus anciennes, utilisant des méthodes alternatives et coûteuses pour fabriquer des puces de 7 nm ou même 5 nm. Bien que ces réalisations fassent parler d’elles dans la presse, la réalité est que l’efficacité et la scalabilité de ces processus restent bien inférieures à ce que la lithographie EUV permet.
Selon Goldman Sachs, la Chine se trouve au stade où était ASML en 2003, ce qui équivaut à un retard d’environ 20 ans. Même si le PDG de l’entreprise européenne a été un peu plus prudent en estimant une différence d’environ 10 ans, la majorité des analystes pensent qu’il s’agit d’un écart difficile à combler.
Selon Goldman Sachs, cela suggère que la lithographie en Chine aurait un retard de 20 ans par rapport à ASML, basé sur la position sur la feuille de route des entreprises chinoises. pic.twitter.com/X4Lz5jh7dv
— Ray Wang (@rwang07) 1er septembre 2025
Le mur géopolitique
Ce retard ne s’explique pas uniquement par un manque de talent ou d’investissement en Chine. Il s’agit d’un problème structurel : la lithographie avancée dépend d’un réseau mondial de fournisseurs comprenant des composants critiques conçus en Europe, aux États-Unis, en Corée du Sud et au Japon.
Washington contrôle une grande partie de ces exportations stratégiques. Les sanctions contre des entreprises telles que SMIC empêchent l’accès aux équipements d’ASML et bloquent les efforts de Pékin pour rattraper son retard. Chaque nouvelle interdiction américaine — souvent en coordination avec les Pays-Bas et le Japon — renforce l’étau technologique limitant l’accès de la Chine aux composants essentiels de la lithographie EUV.
Le risque d’un écart grandissant
Même si la Chine parvenait à faire des progrès significatifs en lithographie avant la fin de la décennie, le rythme d’innovation mondial joue contre elle. Tandis que Pékin lutte pour maîtriser l’EUV, ASML et ses partenaires travaillent déjà sur la High-NA et sur des technologies pour des nodes de 1,4 nm ou moins.
Le danger pour la Chine est que, loin de réduire l’écart, celui-ci pourrait même s’amplifier. S’ajoute à cela la difficulté de produire des puces de manière rentable sans accès à des équipements modernes : fabriquer avec des outils obsolètes augmente les coûts et complique l’expansion industrielle.
Plus de promesses que de résultats
Les annonces officielles à Pékin concernant la sortie imminente d’un scanner propre semblent, pour l’instant, relever du rêve. Aucun produit sur le marché ni prototype vérifié ne démontre des progrès dans la même ligue qu’ASML.
Face à cette absence de preuves concrètes, les experts s’accordent à dire que la Chine doit faire face à davantage d’obstacles qu’elle ne l’admet. Et si, avant 2030, elle ne parvient pas à réaliser un saut réel dans la lithographie EUV, les alliances occidentales renforceront leur quasi-monopole sur les nodes les plus avancés.
Conclusion : l’ultime coup technologique de l’Occident
Le monopole d’ASML sur la lithographie EUV constitue aujourd’hui l’un des plus grands succès stratégiques de l’Occident dans sa confrontation avec la Chine. Peu importe l’argent investi par Pékin : sans accès au réseau mondial de fournisseurs et sous des sanctions croissantes, reproduire cette prouesse européenne semble une mission quasiment impossible.
La grande question est de savoir si la technologie EUV deviendra le « coup maître » qui freinera, pendant des décennies, l’ambition chinoise dans le secteur des semi-conducteurs, considéré comme vital pour la sécurité nationale et la suprématie économique mondiale.
Questions fréquemment posées (FAQ)
Qu’est-ce que la lithographie EUV et pourquoi est-elle si cruciale ?
Il s’agit d’une technique de fabrication de puces utilisant la lumière ultraviolette extrême (13,5 nm) pour imprimer des circuits plus fins et précis. Elle permet de produire des nœuds avancés de 7 nm, 5 nm et moins, essentiels pour les processeurs modernes.
Pourquoi la Chine ne peut-elle pas fabriquer de machines EUV ?
Parce qu’elles nécessitent des composants conçus par un réseau international de fournisseurs, dont beaucoup sont contrôlés par des réglementations américaines, néerlandaises ou japonaises. Les sanctions bloquent l’accès à ces pièces clés.
Qu’est-ce que l’EUV High-NA d’ASML ?
Il s’agit de la prochaine génération de scanners EUV, équipés d’une ouverture numérique plus grande, améliorant la résolution et permettant de fabriquer des puces de 2 nm et moins. Chaque unité coûte environ 400 millions de dollars.
Peurait-on que la Chine comble le retard de 20 ans ?
Théoriquement oui, mais concrètement, cela paraît très difficile. Même avec d’importants investissements, l’absence d’accès à des composants essentiels et la rapidité des progrès occidentaux peuvent faire que l’écart s’accroisse plutôt.
Source : elchapuzasinformatico et X