Dans l’univers concurrentiel de l’informatique en nuage et de l’intelligence artificielle, certaines histoires commencent comme des rêves d’innovation et se transforment en batailles juridiques intenses. C’est le cas de Xockets, une petite startup visionnaire du Texas qui vient de porter plainte contre Amazon et Amazon Web Services (AWS) pour ce qu’elle considère comme l’une des violations de brevets les plus graves et systématiques de la dernière décennie.
Le cœur du conflit repose sur les unités de traitement de données (DPU), un type de puce spécialisée conçue pour libérer les processeurs traditionnels des tâches les plus lourdes et répétitives dans les centres de données. Selon Xockets, c’est précisément cette technologie — créée et brevetée par ses ingénieurs — qu’Amazon aurait utilisée sans autorisation suite à une rencontre privée en 2017.
Une réunion qui a changé le cours des choses
Cette année-là, des dirigeants d’Amazon, y compris le responsable d’Annapurna Labs, ont rencontré les fondateurs de Xockets. Ce qui semblait être une négociation pour une éventuelle acquisition s’est transformé, selon la plainte, en une « immersion profonde » où Amazon a exploré en détail le fonctionnement interne des DPU de Xockets, interrogeant séparément chaque ingénieur.
Mais l’achat ne s’est jamais concrétisé. Un an plus tard, sans préavis ni accord, Amazon a lancé ses Nitro DPUs, désormais intégrées dans plus de 20 millions de serveurs. Xockets affirme que ces puces reposent sur son architecture brevetée, et que le bénéfice pour Amazon dépasse les centaines de milliards de dollars grâce à l’amélioration des performances et à la réduction des coûts opérationnels dans ses centres de données.
« Ils nous ont volé l’avenir »
« Ce n’est pas seulement une question de brevets. C’est une question de respect pour l’innovation et le travail acharné d’une petite entreprise qui a cru en une idée avant tout le monde », déclare avec force Robert Cote, membre du conseil de Xockets. « Ils nous ont volé l’avenir, et cela ne peut pas rester impuni. »
Xockets a déposé deux plaintes devant un tribunal fédéral du Texas. La première concerne l’architecture de calcul DPU, essentielle pour permettre que des tâches comme la sécurité, le réseau ou le stockage soient traitées en dehors du CPU ou GPU, accélérant ainsi l’entraînement des modèles d’intelligence artificielle. La seconde traite de l’infrastructure réseau basée sur les DPU, qui permet des communications à haute vitesse et un traitement intégré au sein même des centres de données.
Du laboratoire au champ de bataille
Xockets n’est pas une entreprise ordinaire. Fondée en 2011 par le Dr Parin Dalal, pionnier des architectures DPU, la startup a bénéficié du soutien de personnalités telles que Greg Lavender (CTO d’Intel) et Jerry Yang (cofondateur de Yahoo). Sa vision était claire : apporter l’informatique intelligente directement au cœur du réseau, au niveau de ligne, sans dépendre d’un logiciel lent et généraliste.
Depuis lors, Xockets a continué à perfectionner cette technologie. Mais pendant ce temps, Amazon a connu une croissance fulgurante sur le marché du cloud, intégrant ses puces Nitro dans la plupart de ses services d’IA, de stockage et de connectivité à haute performance. Pour Xockets, cela n’est pas une coïncidence : c’est une appropriation directe de sa propriété intellectuelle.
Un contexte légal favorable pour les petites entreprises
La plainte de Xockets arrive à un moment décisif. La semaine dernière, le Department of Justice des États-Unis et le Bureau des brevets ont publié un communiqué commun demandant aux tribunaux de restaurer l’utilisation de mesures d’injonction dans les cas de brevets, telles que les ordres de cessation immédiate. Pour Xockets, cela pourrait être essentiel pour stopper l’utilisation continue de sa technologie sans licence.
“C’est un combat inégal, nous le savons”, affirme une source proche du dossier. “Mais nous savons aussi que si les droits des innovateurs ne sont pas défendus, tout l’écosystème en souffre.”
David contre Goliath 2.0 ?
Amazon n’a pas encore répondu officiellement aux accusations. Mais l’affaire pourrait devenir un symbole plus large du débat sur le pouvoir des grandes technologies et la protection de l’innovation indépendante. Si Xockets a raison, nous serions face à un cas paradigmique dans lequel une idée révolutionnaire a été absorbée sans crédit par l’un des acteurs les plus puissants du secteur.
Ce qui est en jeu dépasse les redevances ou les indemnisations. Il s’agit de préserver l’esprit d’innovation et d’assurer que les créateurs — même petits — puissent prospérer dans un environnement où les idées valent plus que les logos.
Source : Actualités AI
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