Des chercheurs de l’Université Sungkyunkwan (SKKU) en Corée du Sud, en collaboration avec leurs collègues des États-Unis, ont développé une technologie susceptible de révolutionner la chirurgie orthopédique : une pistolet de colle modifié capable d’imprimer des greffes osseuses biodégradables directement sur des fractures ou des défauts lors de l’intervention chirurgicale. Publiée dans la revue Device de Cell Press, cette avancée combine l’impression 3D à basse température, des biomatériaux innovants et un design portable adapté à la salle d’opérations.
De l’outil ménager au dispositif médical
l’équipe a transformé une simple pistolet à colle en un système d’impression in situ, capable d’extruder des biomatériaux à des températures sûres pour les tissus humains (environ 60 °C). Le résultat est un appareil compact, manuel et facile à manier, permettant au chirurgien de contrôler la direction, l’inclinaison et la profondeur d’impression en temps réel.
Ce progrès constitue une rupture par rapport à la pratique actuelle, qui consiste à fabriquer des implants sur mesure avant la chirurgie à partir d’images médicales, de modélisation 3D et de processus en laboratoire. Avec cette technologie, la greffe est fabriquée directement sur l’os endommagé en seulement quelques minutes.
Un matériau conçu pour guérir puis disparaître
Les « sticks » de cette pistolet ne contiennent pas de colle, mais un composé de policaprolactone (PCL) et de hydroxyapatite (HA) :
- La PCL est un polymère biodégradable apportant résistance mécanique et élasticité.
- La HA est un minéral naturel présent dans l’os, qui améliore l’adhésion cellulaire et stimule la croissance d’un tissu osseux neuf.
Le « squelette » créé remplit trois fonctions clés :
- Intégration biologique avec l’os sain environnant.
- Soutien temporaire pendant la croissance du nouveau tissu.
- Dégradation contrôlée, remplacée au fur et à mesure par de l’os régénéré.
De plus, les chercheurs ont prouvé qu’en ajoutant des antibiotiques comme la vancomycine ou la gentamycine à la composition, l’implant peut libérer localement des médicaments sur plusieurs semaines, diminuant ainsi le risque d’infections postopératoires et la nécessité de traitements oraux.
Résultats en laboratoire et modèles animaux
Le dispositif a été validé en plusieurs étapes :
- Cultures cellulaires : vérification que le composé n’est pas toxique et favorise l’adhésion et la prolifération des cellules osseuses.
- Tests mécaniques : résistance à la compression, à la flexion, adhérence à l’os, et vitesse de dégradation.
- Modèle animal : chez des lapins avec des défauts fémoraux trop grands pour cicatriser seuls, comparant la pistolet à os avec le ciment osseux commercial.
Après 12 semaines, les greffes imprimées ont montré :
- Une meilleure régénération osseuse avec une structure plus naturelle.
- Une augmentation de la surface osseuse et du cortex cortical (indicateurs de résistance).
- Pas de signes d’inflammation ni de nécrose dans les tissus voisins.
- Un effet antibactérien marqué lorsque des antibiotiques ont été ajoutés.
Avantages par rapport aux méthodes traditionnelles
Les traitements actuels des défauts osseux utilisent :
- Les cimentations osseuses commerciales, qui scellent mais n’encouragent pas bien la régénération.
- Les greffes osseuses, nécessitant l’extraction de tissu d’une autre zone ou d’un donneur.
- Les implants métalliques, efficaces mais coûteux et peu adaptables aux formes irrégulières.
La pistolet à os propose une alternative qui est :
- Plus personnalisée : imprime directement sur des fractures irrégulières.
- Plus rapide : le processus dure quelques minutes, réduisant la durée de l’intervention.
- Plus économique : évite la fabrication d’implants en externe.
- Plus sécurisée : réduit les infections en libérant des antibiotiques localement.
Obstacles pour une application clinique
Malgré son potentiel, cette technologie n’en est encore qu’à ses débuts en clinique humaine. Certains défis restent à relever :
- Protocoles de stérilisation du dispositif et du matériau.
- Essais sur des animaux de grande taille pour confirmer efficacité et sécurité.
- Normalisation de la production des sticks biomatériaux.
- Obtention des approbations réglementaires pour une utilisation à grande échelle.
Perspectives futures
Une fois ces étapes franchies, la pistolet d’impression osseuse pourrait révolutionner l’orthopédie et la traumatologie, avec des applications dépassant la simple réparation de fractures :
- Reconstruction après un cancer osseux.
- Correction de défauts congénitaux.
- Médecine régénérative personnalisée, en intégrant divers médicaments ou matériaux adaptés à chaque patient.
Par ailleurs, cette idée d’impression biomédicale in situ ouvre la voie à d’autres usages : impression cartilagineuse, cutanée, ou même de tissus mous lors de chirurgies reconstructives.
Conclusion
La pistolet à os conçue en Corée du Sud représente une innovation à fort potentiel disruptif : un dispositif portable qui transforme l’impression 3D en un outil chirurgical direct, efficace et adaptable. Bien qu’elle doive encore relever des défis règlementaires et expérimentaux sur l’humain, ses résultats en laboratoire et sur modèles animaux laissent espérer qu’elle pourrait devenir une référence pour la réparation osseuse personnalisée et rapide.
Questions fréquentes
Quels matériaux utilise la pistolet d’impression osseuse ?
Un mélange de polcaprolactone (PCL), polymère biodégradable, et d’hydroxyapatite (HA), minéral naturel de l’os, avec possibilité d’ajouter des antibiotiques.
Pourquoi est-elle meilleure que le ciment osseux ?
Parce qu’elle ne se contente pas d’étancher, mais stimule la régénération naturelle de l’os, s’intègre au tissu environnant et s’élimine graduellement au fur et à mesure que du nouvel os se forme.
Quelles sont les applications cliniques possibles ?
Fractures complexes, reconstructions après tumorectomy, défauts congénitaux ou chirurgies orthopédiques nécessitant des implants personnalisés.
Quand pourrait-elle être disponible pour les patients ?
Il reste à passer des tests sur des grands animaux, à établir des protocoles de stérilisation et à obtenir les autorisations réglementaires. Si ces étapes sont réussies, elle pourrait être opérationnelle dans les prochaines années.
source : mentes curiosas, scimex et Cell