Une nouvelle optimisation du code pourrait réduire la consommation d’énergie des centres de données de 30 à 45 %
Des chercheurs de l’Université de Waterloo ont identifié qu’une simple modification de 30 lignes de code dans le noyau de Linux pourrait permettre de diminuer significativement la consommation énergétique des centres de données, avec des réductions estimées entre 30 et 45 %. Cette recherche, présentée lors de la conférence ACM Sigmetrics 2024, propose une optimisation non intrusive qui améliore la performance réseau sans nécessiter l’ajout de nouvelles fonctionnalités au système d’exploitation.
Une optimisation axée sur l’utilisation efficace des caches
Le professeur Martin Karsten, l’un des principaux chercheurs, a expliqué que cette optimisation consiste à réorganiser l’ordre des opérations dans la pile réseau de Linux. Cette amélioration permet une meilleure utilisation des caches CPU, semblable à la réorganisation de processus dans une chaîne de montage pour éviter des mouvements superflus.
"Nous n’avons rien ajouté, nous avons simplement modifié l’ordre d’exécution. C’est comme redessiner une usine pour que tout s’écoule plus logiquement", a déclaré Karsten. Ce changement exploite le mécanisme de suspension des interruptions IRQ, réduisant le nombre d’interruptions du processeur pendant les pics de trafic, tout en maintenant une efficacité énergétique sans affecter la latence durant les périodes de faible activité.
Un potentiel d’impact mondial
Cette modification a été développée en collaboration avec Joe Damato, ingénieur chez Fastly, et pourrait avoir un impact significatif sur les grands centres de données si elle est largement adoptée. Étant donné que Linux est le système d’exploitation dominant dans les environnements de serveurs, son optimisation pourrait générer des économies d’énergie à l’échelle mondiale.
"Si des entreprises comme Amazon, Google, IBM, Oracle ou Meta activaient cette fonction, nous pourrions économiser des gigawattheures d’énergie à travers le monde", a affirmé Karsten. "Chaque requête circulant sur Internet pourrait bénéficier de cette amélioration."
Cette mise en œuvre fait partie d’un projet plus vaste pour établir une salle de serveurs écologique dans le nouveau bâtiment de mathématiques de l’université.
Soutien de la communauté du logiciel libre
L’optimisation a suscité des réactions positives dans divers secteurs du logiciel libre. Ann Schlemmer, directrice générale de l’entreprise de bases de données open source Percona, a salué l’initiative comme un exemple du potentiel collaboratif du logiciel libre. De même, Jason Soroko, expert en cybersécurité chez Sectigo, a décrit cette proposition comme "légitime et ayant un fort impact à long terme".
Économies à grande échelle grâce à de petits changements
Bien qu’une carte réseau individuelle ne consomme pas beaucoup d’énergie, les effets s’amplifient à grande échelle. Selon Jamie Boote, consultant en sécurité chez Black Duck Software, un seul rack de serveurs peut consommer environ 160 watts uniquement pour les interfaces réseau. Réduire cette consommation sur des centaines ou des milliers de racks équivaut à remplacer l’ensemble d’un bâtiment de lampes à incandescence par des LED.
"Le stack réseau actuel de Linux a été conçu pour un matériel beaucoup moins exigeant", a expliqué Boote. "Reprioriser les tâches du système en fonction du trafic aide à dépenser l’énergie de manière plus logique dans des architectures modernes."
Pas adapté à tous les environnements
Malgré ses avantages, l’optimisation n’est pas universelle, prévient Ariadne Conill, développeuse chez Alpine Linux et cofondatrice d’Edera. Sa mise en œuvre nécessite des ajustements manuels via des outils comme ethtool, et s’adresse principalement aux opérateurs de centres de données à grande échelle avec des applications réseau intensives.
De plus, cette approche peut influencer la prévisibilité de la latence réseau et modifier l’allocation des ressources. Il est donc conseillé de l’envisager comme une option configurable, plutôt que comme un réglage par défaut.
"Il s’agit d’une amélioration intéressante, mais elle doit être utilisée dans des environnements contrôlés où il est possible de bien gérer les compromis", a conclu Conill.
Pour résumer
L’étude canadienne montre que l’efficacité énergétique ne nécessite pas toujours d’énormes investissements, mais peut être réalisée grâce à des ajustements minutieux du code. Dans un monde où l’informatique consomme environ 5 % de l’énergie mondiale quotidienne, des optimisations telles que celle-ci peuvent faire une grande différence.
Cette proposition relance également le débat sur l’efficacité dans la programmation moderne, où l’accent a souvent été mis sur la fonctionnalité plutôt que sur l’optimisation. Pour Karsten et son équipe, il est temps de reprendre cette approche précise : "La durabilité doit devenir une priorité dans le développement logiciel", a-t-il conclu.
Source : Technewsworld
L’enquête qui révèle comment Apple facilite la surveillance de masse via le Wi-Fi