La scène se répète : un compte compromis, un clic sur une pièce jointe malveillante ou une suppression massive « par accident ». Quand le courriel est perdu, c’est tout le business qui en pâtit. En 2025, avec l’essor du phishing sophistiqué, la location de ransomware-as-a-service et le télétravail hybride, la sauvegarde des courriels est passée d’une bonne pratique à un contrôle essentiel pour la continuité d’activité. Ce rapport rassemble les méthodes concrètes pour protéger les boîtes aux lettres sur Outlook/Microsoft 365, Gmail/Google Workspace, Mozilla Thunderbird, Mail de macOS et Yahoo Mail, tout en fournissant des critères décisionnels pour éviter la paralysie causée par l’attitude typique : “la cloud le fera pour moi”.
Pourquoi les courriels continuent-ils de se perdre à l’ère du cloud?
Le cloud apporte de la redondance, mais ne remplace pas la sauvegarde. Les incidents continuent de se produire pour plusieurs raisons :
- Suppression et conflits de synchronisation : règles mal réglées, longues sessions sur mobile, nettoyage agressif des dossiers.
- Hameçonnage de comptes : accès IMAP depuis des localisations inhabituelles, token hijacking, ou redirections automatiques invisibles.
- Ransomware et wipers : cryptent endpoints et profils locaux. Si le client conserve une copie offline, il sauve sa peau ; sinon, c’est la perte totale de l’historique.
- Erreurs administratives : politiques de rétention trop courtes, changement de domaine sans takeout préalable, fermeture de comptes lors du offboarding.
Conclusion opérationnelle : le cloud est résilient, mais votre RPO/RTO (combien de perte tolérable et la rapidité de récupération) dépend d’un plan de sauvegarde propre, pas uniquement du SLA du fournisseur.
Les six principes (qui différencient « sauvegarde » et « sentiment de sauvegarde »)
- Règle 3-2-1 : 3 copies, 2 supports différents, 1 hors site.
- Automatiser + vérifier : toute sauvegarde périodique sans test de restauration reste une promesse vide.
- Formats portables : PST (Outlook), MBOX/EML/Maildir (portables entre clients).
- Chiffrement et contrôle d’accès : ZIP/7z avec mot de passe robuste ou volumes cryptés (BitLocker, FileVault/APFS, VeraCrypt).
- Rétention explicite : 12-24 mois ou selon le cadre juridique (ex. RGPD, audit).
- 2FA et télémétrie : double facteur pour toutes les comptes, revue des connexions et règles de redirection suspects.
Microsoft Outlook / Microsoft 365 : le royaume du PST (et des étiquettes de rétention)
Ce qui fonctionne aujourd’hui
- Exporter en PST (version bureau)
- Itinéraire : Fichier → Ouvrir et exporter → Importation/Exportation → Exporter vers un fichier → .pst.
- Sélectionnez dossiers ou boîte aux lettres entière, définissez la destination et, si besoin, mot de passe pour le PST.
- Recommandation : segmenter l’historique; la limite recommandée pour les fichiers de données est d’environ 50 GB.
- Autoarchivage
- Gère la taille du boîtier en déplaçant les anciennes courriels vers un fichier local.
- Itinéraire : Fichier → Options → Avancé → Paramètres d’autoarchivage.
- Peut être affiné par dossier (Propriétés → Autoarchive).
- Environnement de sauvegarde
- Outils personnels : MailStore Home (consolidation et recherche)
- PME/entreprises : suites qui programmant et cryptent les sauvegardes (et couvrent également tout le parc informatique).
Conseils éditoriaux
- Dans Microsoft 365, la “sauvegarde” ne se limite pas à un PST : elle s’associe à étiquettes et politiques de rétention, et, le cas échéant, à eDiscovery.
- Saines pratiques : créer un PST pour chaque période (Outlook_2024H2.pst), le chiffrer, et faire une vérification trimestrielle de son montage dans un profil propre (en vérifiant pièces jointes, accents, et dates).
Gmail / Google Workspace : export massif en MBOX, IMAP sélectif et archivage sans suppression
Trois solutions éprouvées
- Google Takeout (export complet en MBOX) :
- Permet de choisir fréquence (unique ou périodique), taille des segments et méthode de livraison (lien, Drive, etc.).
- Idéal avant changement de domaine, césure, ou pour des boîtes noires de conformité.
- Client desktop (IMAP recommandé) :
- Activez IMAP dans Paramètres → Transfert et POP/IMAP.
- Configuration type :
imap.gmail.com
(SSL 993),smtp.gmail.com
(SSL 465 / TLS 587). - Avantage : une copie locale supplémentaire et des recherches hors web.
- Archivage dans Gmail :
- Déplace le courriel hors de Réception sans le supprimer; il se consulte dans Tous.
- Pratique pour la gestion de l’hygiène, mais ne remplace pas la sauvegarde.
Ce qui fait la différence
- Avec beaucoup de volume, Takeout par étiquettes/dates évite d’exporter des fichiers gigantesques inutilisables.
- Dans une organisation, Vault et la rétention appliquée par politique offrent une couverture légale, mais ne remplacent pas les exportations MBOX testées et vérifiées.
Mozilla Thunderbird : profil complet, MBOX/EML et automatisation via addons
Pourquoi les administrateurs l’apprécient
- Sauvegarde du profil :
- Itinéraire interne : Help → Information de dépannage → Dossier de profil → Ouvrir le dossier.
- Fermez Thunderbird et copiez le dossier vers un emplacement sécurisé (disque crypté, NAS, cloud avec versioning).
- Extensions qui gagnent du temps :
- ImportExportTools NG : exporte/importe messages et dossiers (MBOX/EML), avec programmation possible.
- AutoarchiveReloaded : archivage automatique selon règles (âge, taille, étiquettes).
- Sauvegarde ciblée manuelle :
- Dans le profil, Mail (POP) et ImapMail (IMAP) contiennent le courriel. Copier en fermant Thunderbird évite les verrouillages et corruption.
Conseils pratiques
- MBOX : format incontournable pour les clients, surtout pour l’archivage. EML est parfait pour fournir des preuves circonstanciées message par message.
- Nommer de manière cohérente (Ventes_2024.mbox, Soutien_Q3_2025.mbox) et documenter la localisation.
Mail de macOS : la sauvegarde ultime avec Time Machine et MBOX par boîte
Deux niveaux complémentaires
- Time Machine
- Couvre tout le système (incluant Mail) avec des sauvegardes horaire, quotidienne et hebdomadaire.
- Idéal pour revenir à un état connu en cas de catastrophe locale.
- Exporter les boîtes (fichiers .mbox) :
- Itinéraire : dans Mail, sélectionnez la boîte → Boîte → Exporter la boîte.
- Génère des .mbox portables et versionnables; si vous répétez, Mail ajoute un suffixe pour éviter d’écraser.
La combinaison gagnante
- Time Machine pour tout le Mac + MBOX trimestriel des boîtes critiques (clients, facturation).
- Conteneurs cryptés dans la destination (cryptage APFS / 7z).
Yahoo Mail : redirection premium, POP classique et nuage tiers
- Reenvoi automatique (Yahoo Plus) : réplique entrant, ne migre pas l’historique.
- Téléchargement par POP (ex. Thunderbird) :
- Email entrant :
pop.mail.yahoo.com
(SSL 995), sortant :smtp.mail.yahoo.com
(SSL 465 / STARTTLS 587). - Activez “Laisser les messages sur le serveur” pour une double copie.
- Email entrant :
- Services tiers dans le cloud : certains consolidant Yahoo et autres fournisseurs avec sauvegardes programmées et rétention.
Note éditoriale
- Yahoo limite le reenvio complet à la version payante; sans celle-ci, le POP + export régulier associé à un client local reste une solution cohérente.
Quel format de fichier privilégier selon l’objectif?
- PST : pour ceux qui utilisent principalement Outlook (courriel, contacts, calendrier).
- MBOX : dossiers complets, portable entre différents clients.
- EML : unité minimale (message individuel), utile pour audits, preuves, tickets.
- Maildir : milliers de fichiers par message; résilient à la corruption, idéal pour serveurs et exportations avancées.
Règle rapide : Migrer et assurer la visibilité future → MBOX/EML. Ecosystème pure Outlook → PST.
Sécurité et conformité : ce que personne ne veut vérifier… jusqu’à ce qu’il soit trop tard
- MFA sur toutes les comptes et services de sauvegarde.
- Chiffrement au repos et en transit (SFTP/HTTPS); listes de contrôle d’accès et logs d’activité.
- Rotation des clés et tests de restauration trimestriels : importer un MBOX dans un profil vierge et monter un PST sur une machine séparée.
- Rétention et hold légal : identifier les boîtes nécessitant une conservation prolongée (finances, RH, litiges) et limiter les accès.
Cas pratiques (quelles démarches pour une organisation de taille moyenne)
Scénario A — Commercial avec forte rotation
- Outlook/M365 : PST mensuel < 50 GB (ventes et après-vente séparément) + étiquettes de rétention du tenant.
- Gmail : Takeout trimestral par étiquettes (clients, contrats) + client IMAP en archive.
- macOS : Time Machine en continu + MBOX semestriel pour “adresse”.
- Yahoo (si historique) : POP dans Thunderbird + export semestriel.
Scénario B — PME digitale intégrale avec Workspace
- Takeout programmé par unités organisationnelles/étiquettes + MBOX critique (facturation, juridique).
- Addon pour Thunderbird pour orchestrer des MBOX périodiques de comptes stratégiques ; stockage crypté sur NAS, avec réplication vers le cloud et historique.
Les antipatterns qui coûtent cher en 2025
- “Je fais confiance à la cloud” (sans sauvegardes externes).
- Copies non vérifiées : personne n’a tenté d’importer ce MBOX/PST.
- Mot de passe en clair ou ZIP non chiffré “parce que c’est interne”.
- Boîtes énormes dans un seul fichier : en cas de problème, tout est perdu.
- Rétention dispersée : absence de politique claire, chacun fait à sa guise.
Plan opérationnel recommandé (pour PME et particuliers)
Mensuel (minimum)
- Outlook/365 : PST segmentés et cryptés.
- Gmail : Takeout par étiquettes ou trimestriel.
- macOS : Time Machine + MBOX trimestral pour boîtes critiques.
- Thunderbird/Yahoo : client IMAP/POP avec copie locale + exports périodiques.
Hebdomadaire (en cas de mouvement important)
- Automatisation via addons ou outils IMAP (scripts
isync/offlineimap
) vers un dépôt crypté avec versionnage (S3/Backblaze/Drive avec historique).
Trimestriel (indispensable)
- Test de restauration : importer un MBOX dans un profil vierge, monter un PST et documenter le temps requis ainsi que la checklist.
Questions fréquentes des lecteurs
Backup ou archivage… ou les deux?
Le backup protège contre la perte ou la corruption et facilite la récupération par versions et dates. L’archivage conserve à long terme dans un but de conformité, avec indexation et recherche. Ils sont complémentaires.
Disque externe ou cloud?
Les deux : 3-2-1. Disque local crypté pour accès rapide, cloud avec versioning pour la résilience contre les catastrophes.
À quelle fréquence?
Selon votre RPO: si vous ne pouvez pas perdre une semaine de courriels, faites des sauvegardes au moins hebdomadaires. Pour particuliers, mensuel + test de restauration constitue un minimum raisonnable.
Comment sauvegarder “tout” mon courriel?
Exportez en PST/MBOX (native) ou utilisez un client IMAP capable de « aspirer » toutes les boîtes. Divisez par année ou projet pour éviter de créer des fichiers monstrueux (>100 GB).
Checklist finale (copiez-coller)
- MFA activée sur toutes les comptes.
- Politique 3-2-1 écrite et documentée.
- Exports PST/MBOX nommés et datés par période.
- Copies cryptées (ZIP/7z ou volume).
- Test de restauration trimestriel (MBOX et PST).
- Retenue définie (12-24 mois ou conforme à la réglementation).
- Contrôle des accès et logs de consultation/téléchargement.
Conclusion
La sauvegarde du courriel n’est pas qu’une accumulation de fichiers : c’est concevoir un processus mesurable, reproductible et auditable. La cloud assure une haute disponibilité ; la copie vous redonne le contrôle. Qui adopte une politique claire, automatise, chiffre, et teste ses restaurations, dort mieux. Et face au jour noir, il revient plus vite.
Source : Internet utile