La Russie a annoncé un projet ambitieux pour développer des scanners EUV (lithographie ultraviolette extrême) promettant d’être plus économiques et plus faciles à fabriquer comparés aux équipements avancés d’ASML, leader mondial dans ce domaine. Dirigé par l’Institut de Physique des Microstructures (IPM RAS), cet effort vise à garantir l’indépendance technologique de la Russie et à positionner le pays comme un acteur pertinent sur des marchés émergents et moins exigeants.
Réduction de la longueur d’onde : une approche innovante
La clé de cette initiative repose sur la réduction de la longueur d’onde de 13,5 nm (utilisée par ASML) à 11,2 nm, ce qui améliore la résolution de 20% et réduit considérablement les coûts de production. Selon Nikolay Chkhalo, scientifique principal à l’IPM RAS, l’utilisation de sources de xénon au lieu de plasma d’étain prolongera la durée de vie des composants optiques et diminuera les coûts opérationnels. Ce changement simplifie également la production de miroirs et de lentilles, les rendant plus accessibles aux fabricants de plus petite taille.
En outre, le projet russe bénéficiera de l’utilisation de résistances basées sur l’organosilicium, qui s’adaptent mieux à la nouvelle longueur d’onde, augmentant l’efficacité des processus de fabrication. Bien que la capacité de traitement sera inférieure à celle d’ASML, ces scanners sont conçus pour des marchés plus petits, où le coût et l’accessibilité sont des facteurs clés.
Un plan stratégique en trois étapes
Le développement de cette technologie se divise en trois phases :
- Recherche et développement initial : Centrée sur la résolution des problèmes clés de la technologie de lithographie EUV et sur l’établissement de liens de coopération pour la production de composants critiques.
- Prototypes fonctionnels : Conception d’un scanner avec des systèmes clés comme des lentilles de six miroirs, des systèmes laser haute puissance et des outils pour des plaquettes de 200/300 mm. Cette étape inclut également l’intégration de la lithographie EUV dans les chaînes de production de puces avancées.
- Production en série : Développement d’équipements capables de traiter plus de 60 plaquettes de 300 mm par heure, adaptés à des applications industrielles et à la commercialisation sur les marchés mondiaux.
Une approche pragmatique face au géant ASML
La Russie a opté pour ne pas reproduire le modèle d’ASML, dont la technologie est extrêmement coûteuse et complexe. Selon Chkhalo, la stratégie d’ASML a été couronnée de succès grâce à l’intégration des meilleurs exploits mondiaux, une approche difficile à émuler pour un seul pays. Au contraire, la Russie cherche à créer une alternative plus économique et accessible, adaptée aux besoins d’entreprises en dehors du top 5 mondial, qui dominent actuellement le marché des puces.
Le projet vise à atteindre une topologie de 7 nm pour 2028, avec une progression graduelle qui commencera avec la fabrication de puces de 350 nm en 2024 et de 130 nm en 2026.
Défis et opportunités
Bien que le projet soit ambitieux, il fait face à d’importants défis, tels que le manque de spécialistes en Russie et les coûts initiaux élevés. Selon Evgeny Gornev, de l’Institut de Physique et de Technologie de Moscou, l’industrie russe manque de personnel qualifié et de ressources comparables à celles d’ASML, qui a investi trois fois plus en R&D en 2022 que tout le budget russe projeté pour cet effort.
Cependant, la mise en œuvre réussie de cette feuille de route pourrait positionner la Russie comme un concurrent viable sur des marchés plus petits et moins exigeants, offrant une solution plus abordable dans un secteur dominé par des acteurs tels qu’ASML, Nikon et Tokyo Electron. En outre, cette avancée renforcerait l’indépendance technologique du pays face aux sanctions internationales.
Impact global
Bien que les États-Unis et le Japon aient échoué à développer des scanners EUV compétitifs, la Russie a confiance en son approche alternative. En cas de succès, la technologie russe pourrait changer le paysage de la lithographie avancée, offrant l’accès à des outils de pointe à des entreprises qui actuellement ne peuvent pas se permettre les équipements d’ASML. Ce projet, bien que risqué, pourrait redéfinir l’industrie mondiale des semi-conducteurs.
via : Cnews.ru