Une alliance stratégique entre Maxwell Labs et les Laboratoires Nationaux Sandia développe une technologie capable de réduire les coûts énergétiques dans les centres de données grâce à la réfrigération laser.
La croissance incessante de la consommation énergétique des puces haute performance met l’industrie technologique à l’épreuve. Alors que les processeurs graphiques (GPU) et les unités de traitement spécialisées propulsent des applications comme l’intelligence artificielle, les simulations scientifiques ou la blockchain, les systèmes traditionnels de refroidissement – basés sur l’air ou l’eau – deviennent de plus en plus inefficaces et coûteux. Cependant, une nouvelle solution pourrait être à l’horizon, et elle ne provient ni de ventilateurs ni de liquides : il s’agit de la lumière laser.
Maxwell Labs, une startup basée au Minnesota spécialisée en nanophotonique, a annoncé une collaboration stratégique avec les Laboratoires Nationaux Sandia (gérés par le Département de l’Énergie des États-Unis) et l’Université du Nouveau-Mexique pour développer et tester une technologie révolutionnaire de refroidissement optique par laser. L’objectif : créer une nouvelle génération de plaques froides photoniques qui refroidissent les zones les plus chaudes d’une puce avec une précision chirurgicale, réduisant ainsi la consommation énergétique et augmentant la performance thermique.
La promesse du laser : refroidir avec de la lumière
Bien que les lasers soient traditionnellement associés à la chaleur, ils peuvent être utilisés pour refroidir dans des conditions spécifiques. La clé réside dans la direction de faisceaux de lumière cohérente d’une longueur d’onde précise vers des plaques fabriquées à partir d’arséniure de gallium (GaAs) ultrapure, un matériau semi-conducteur à haute mobilité électronique.
Ces plaques, appelées « plaques froides », sont placées sur des zones critiques de la puce, guidant les faisceaux à travers des microstructures conçues à l’échelle nanométrique. Le résultat : un refroidissement localisé précisément là où il est nécessaire, sans avoir recours à des systèmes hydrauliques complexes.
« Nous n’avons besoin de refroidir que des zones de la taille d’une particule de poussière », explique Raktim Sarma, physicien principal du projet chez Sandia. Cette capacité à refroidir des régions aussi petites et spécifiques représente un changement de paradigme dans la conception thermique des puces.
Impact financier et énergétique : réduire les coûts à l’ère des centres de données
Selon les données des Laboratoires Sandia, jusqu’à 40 % de la consommation énergétique d’un centre de données peut être consacrée uniquement au refroidissement. Avec l’expansion de l’utilisation de l’intelligence artificielle générative, de l’entraînement des modèles de langage et des services cloud, ces coûts ont explosé, mettant la pression sur les marges des entreprises technologiques et des opérateurs d’infrastructure.
« Une solution de refroidissement basé sur le laser pourrait réduire la consommation d’énergie et d’eau, deux ressources de plus en plus rares et coûteuses », déclare Mike Karpe, cofondateur et directeur de la croissance de Maxwell Labs. « De plus, cette technologie ouvre la porte à de nouvelles méthodes de récupération de chaleur qui pourraient être transformées en électricité, améliorant encore l’efficacité. »
Les perspectives sont claires : si les modèles actuels sont validés, le refroidissement optique permettra aux puces de fonctionner à des fréquences plus élevées sans risque de surchauffe, améliorant la performance computationnelle sans avoir besoin de redessiner des architectures entières.
Obstacles : les coûts de production et le défi de l’arséniure de gallium ultrapure
Malgré son potentiel, cette technologie n’est pas sans défis. Le principal concerne le coût. Alors qu’une plaquette de silicium de 200 mm coûte environ 5 dollars, une du même calibre fabriquée en GaAs ultrapure peut dépasser les 5 000 dollars. Et cela sans compter les taux de rejet élevés en production dus à des défauts microscopiques.
Les Laboratoires Sandia, cependant, apportent un avantage concurrentiel : des décennies d’expérience dans la fabrication de semi-conducteurs ultrapurs à des fins nucléaires. Leurs équipements, tels que le réacteur d’épitaxie par faisceaux moléculaires (MBE), permettent de contrôler l’épaisseur des couches de GaAs avec une précision atomique dans des conditions de vide extrême.
« C’est une technologie de niche et coûteuse, mais son efficacité énergétique pourrait justifier son adoption dans des secteurs tels que la défense, la recherche scientifique ou les centres de données à haute performance », déclare Sadhvikas Addamane, expert en matériaux chez Sandia.
Un pas vers l’avenir : du prototype à la commercialisation
L’accord de collaboration, établi dans le cadre d’un CRADA (Cooperative Research and Development Agreement), marque une étape importante dans le transfert de technologie entre le secteur public et le secteur privé aux États-Unis. Maxwell conçoit les dispositifs, Sandia les fabrique, et l’Université du Nouveau-Mexique analyse leur performance thermique.
Bien que les premiers dispositifs soient en phase expérimentale, l’intention de Maxwell Labs est de commercialiser la technologie dans des secteurs critiques avant 2027. Si cela réussit, nous pourrions assister à une disruption technologique comparable à l’arrivée du transistor ou de la fibre optique.
Conclusion : feu vert pour le refroidissement de demain
La réfrigération laser va bien au-delà d’une curiosité scientifique. Elle représente une réponse concrète aux défis énergétiques et de performance du futur numérique. À une époque marquée par l’intelligence artificielle, les puces les plus puissantes nécessitent des systèmes de refroidissement plus intelligents. Et peut-être que la solution réside dans l’illumination du problème — littéralement — grâce à un laser.
Source : Labos Sandia et Maxwell Labs