ROSCon 2025. La communauté mondiale derrière Robot Operating System (ROS) — le framework open source le plus utilisé pour la construction de robots — se rassemble à nouveau avec un message clair : la prochaine génération de robotique sera ouverte, accélérée par GPU, et centrée sur l’IA physique. Dans ce contexte, NVIDIA a annoncé une série de contributions techniques et partenariats avec l’écosystème — notamment avec la Open Source Robotics Alliance (OSRA) — visant à standardiser les capacités clés, à accélérer le développement de robots réels, et à réduire le fossé entre simulation et déploiement.
Les annonces combinent code et standards (avec des contributions directes à ROS 2 et le soutien à un nouveau groupe d’intérêt spécial), outils open-source (pour diagnostiquer la performance) et plateformes prêtes pour la production (bibliothèques accélérées et modèles IA), avec pour objectif de faire de ROS 2 le framework ouvert de hautes performances pour les applications robotiques dans le monde physique.
Une tendance politique et technique : un SIG d’“IA physique” au sein d’OSRA
En commençant par la gouvernance, NVIDIA a confirmé son soutien au Nouveau Groupe d’Intérêt Spécial (GIS) sur l’IA Physique au sein de OSRA. Ce GIS se concentrera sur trois axes qui aujourd’hui délimitent la frontière entre un prototype et un robot de production :
- Contrôle en temps réel : déterminisme et latences consistantes pour la boucle de contrôle.
- Traitement accéléré de l’IA : inférence locale efficace (vision, planification, compréhension de la scène) avec GPU intégrés ou discrets.
- Meilleurs outils de développement : allant de la télémétrie et du profilage à des flux reproductibles de sim-to-réal pour comportements autonomes.
Cette démarche est stratégique : elle place ces besoins dans le cadre des standards ouverts, et aligne fabricants, laboratoires et startups pour que ROS 2 évolue avec des primitives natives capables d’exploiter l’hétérogénéité matérielle.
Contribution au noyau de ROS 2 : des abstractions conscientes du GPU
Au-delà du discours, il y a du code : NVIDIA contribue directement à ROS 2 avec des abstractions “GPU-aware”. Qu’est-ce que cela signifie ? Que le framework peut mieux comprendre et gérer différents types de processeurs (CPU, GPUs intégrés et discrets), coordonner les données et orchestrer l’exécution des tâches de manière cohérente avec l’architecture sous-jacente, en garantissant performance et cohérence.
Cette couche d’abstraction future-proof l’écosystème : avec l’émergence de nouvelles NPU, GPU ou SoC hybrides, ROS 2 dispose de gâchettes pour capitaliser sur le silicium sans compromettre sa portabilité logicielle. Pour le développeur, cela se traduit par moins de collage ad-hoc, moins de latences invisibles et plus de rendement dans les pipelines de perception, SLAM, planification ou manipulation.
Greenwave Monitor : diagnostic de performance en open-source
Autre atout souvent manquant dans la robotique de terrain : l’observation. NVIDIA annonce la libération en open-source de Greenwave Monitor, un outil permettant d’identifier rapidement les goulets d’étranglement durant le développement. Son but : raccourcir le cycle “mesure-trouve-optimise” pour que les équipes passent moins de temps à chercher pourquoi un nœud “coince” et davantage à affiner l’architecture de leur robot.
Dans une stack moderne — avec ROS 2, accélérations CUDA, modèles IA et pilotes de capteurs —, un outil de visualisation des performances parlant le “langage” du framework constitue un raccourci direct vers des robots plus fiables et avec une performance prévisible.
Arrivée d’Isaac ROS 4.0 sur Jetson Thor : bibliothèques CUDA et modèles IA pour la manipulation et la mobilité
En ce qui concerne la plateforme, NVIDIA confirme la disponibilité d’Isaac ROS 4.0, un ensemble de bibliothèques ROS compatibles accélérées par GPU et modèles IA — conçus pour la manipulation et la mobilité — fonctionnant sur la nouvelle plateforme Jetson Thor. Pour le développeur, cela signifie :
- Accès à des bibliothèques CUDA accélérées (vision, transformation de nuages de points, DNN, pipelines d’image) intégrées à ROS 2.
- Modèles IA entraînés et optimisés pour l’inférence en bordure (détection, segmentation, estimation de pose, grasping).
- Workflows alignés avec le framework (nœuds, messages, lancement), réduisant la friction entre R&D et déploiement sur robot.
La combinaison Jetson Thor + Isaac ROS 4.0 incarne la philosophie de l’IA physique : “traiter là où se passent les choses”, avec une latence faible et sans coûts cloud pour chaque cycle de perception-action.
Partenaires et cas d’usage : de la simulation photoréaliste aux robots de sécurité outdoor
Les annonces ne arrivent pas seules : le post officiel liste des cas concrets de partenaires utilisant déjà l’accélération, la simulation et les standards :
- AgileX Robotics : utilise Jetson pour l’autonomie et la vision dans ses véhicules mobiles, et se sert d’Isaac Sim (sur Omniverse) comme cadre de simulation open-source pour tester comportements.
- Canonical (Ubuntu) : simplifie le développement et propose une pile d’observabilité ouverte pour appareils ROS 2 tournant sur Jetson AGX Thor, unifiant edge et robotique avec des pratiques devops modernes.
- Ekumen Labs : intègre Isaac Sim dans ses workflows pour des simulations de haute fidélité, validation et génération de données synthétiques photoréalistes pour l’entraînement.
- Intrinsic : combine modèles fondamentaux d’Isaac et outils de simulation Omniverse dans Flowstate pour une manipulation avancée, des jumeaux numériques en temps réel et une automatisation IA dans la robotique industrielle.
- KABAM Robotics : son robot Matrix utilise Jetson Orin et Triton Inference Server sur ROS 2 Jazzy pour assurer la safety et la gestion d’infrastructures dans des environnements extérieurs complexifiés.
- Open Navigation (Nav2) : démontre Isaac Sim et NVIDIA SWAGGER lors d’une keynote sur les routes avancées pour AMR.
- Robotec.ai : collabore avec NVIDIA pour créer une nouvelle norme de simulation pour ROS, déjà intégrée dans Isaac Sim afin de unifier le développement cross-simulator et renforcer les tests automatisés.
- ROBOTIS : utilise Jetson embarqué et Isaac Sim pour valider ; leur AI Worker, alimenté par le modèle Isaac GR00T N1.5, vise à augmenter l’autonomie et faire évoluer l’edge AI.
- Stereolabs : confirme la compatibilité totale des caméras ZED et du ZED SDK avec Jetson Thor, pour une perception multicaméra haute performance, de faible latence, avec une perception spatiale en temps réel.
Le tableau cohérent : GPU embarqué dans le robot, simulation réaliste dans la boucle, standards ROS pour orchestrer le tout, et outils open-source pour l’observation et l’optimisation.
Pourquoi cela a de l’importance (au-delà des sigles)
1) De “ça fonctionne sur mon portable” à “ça fonctionne pareil sur le robot”
Les abstractions GPU-aware dans le cœur de ROS 2 représentent une avancée majeure : elles réduisent l’écart entre côté code portable et performance réelle sur le matériel du robot, essentiel pour contrôle en temps réel et IA à faible latence.
2) Observation native : moins de temps à traquer les fantômes
Avec Greenwave Monitor, la communauté dispose d’un profiling capable de comprendre les pipelines modernes (ROS 2 + CUDA + DNN). Identifier “goulets d’étranglement” dans buses, nœuds ou kernels GPU devient plus simple et rapide.
3) La simulation comme contrat, pas comme une pensée après coup
Un standard de simulation intégré à Isaac Sim permet de réduire la rupture lors du passage du simulateur au réel. Des données synthétiques photoréalistes et des tests automatisés renforcent la validation.
4) Du laboratoire à l’usine (et à la rue)
La disponibilité de bibliothèques accélérées et de modèles prêts pour Jetson Thor/Orin permet aux équipes de passer plus rapidement du POC au pilote, puis au déploiement, avec le soutien d’Ubuntu et d’outils DevOps pour l’edge computing.
Ce que cela signifie pour le développeur ROS (checklist pratique)
- Évaluez Isaac ROS 4.0 si vous travaillez dans la manipulation ou la mobilité : des blocs accélérés pour des pipelines courants.
- Utilisez Greenwave Monitor en développement pour repérer latences et goulots d’étranglement dès les premières phases.
- Soutenez le GIS d’IA Physique dans OSRA : c’est ici que seront définies APIs et pratiques de référence.
- Explorez le standard de simulation (Robotec.ai + NVIDIA) si votre équipe mélange simulateurs ou veut automatiser des tests robustes.
- Profitez de Isaac Sim pour générer des données synthétiques ou des scènes de haute fidélité pour la validation perception/planification.
- Vérifiez la compatibilité si vous utilisez ZED, Jetson Orin/Thor, Triton ou Ubuntu : tout est prévu en standard.
Risques et questions ouvertes
- Portabilité vs. performance : les abstractions GPU-aware doivent faire un équilibre entre portabilité et exploitation réelle du matériel — éviter le lock-in sans sacrifier la performance.
- Déterminisme : IA physique et contrôle exigent une cohérence temporelle. Mais la question des garanties dans des pipelines avec DNN et GPU sous charge réelle reste ouverte.
- Standards émergents : le nouveau standard de simulation pour ROS devra coexister avec un écosystème diversifié ; son adoption déterminera son impact réel.
- Licences et communauté : maintenir un code open utile et actif est tout aussi crucial que les nouvelles releases ; la gouvernance d’OSRA sera déterminante.
Conclusion : une impulsion à ROS 2 pour la décennie de l’IA physique
Les contributions directes à ROS 2, le soutien à un SIG d’IA physique, la libération d’outils de monitoring, et l’arrivée d’Isaac ROS 4.0 sur Jetson Thor forment un ensemble cohérent : une dynamique pour faire de ROS 2 — non seulement le framework le plus utilisé — mais aussi le plus performant dans les robots réels équipés d’IA accélérée.
Le signal est clair pour la communauté : standards ouverts en haut, blocs matériels prêts en bas. Si l’écosystème suit le mouvement — ce qui semble très probable —, la promesse de robots capables de percevoir, décider et agir dans le monde physique, avec la vitesse et la fiabilité que l’industrie exige, sera plus proche.
Questions fréquentes
Que signifie exactement “GPU-aware” pour ROS 2 ?
Une couche d’abstraction permettant à ROS 2 de détecter et gérer les CPU et GPU (qu’ils soient intégrés ou discrets), en orchestrant les données et les tâches avec cohérence et haute performance. Cela limite la nécessité d’un code ad hoc et améliore la cohérence temporelle des pipelines intensifs en IA.
Qu’est-ce que Greenwave Monitor et à quoi sert-il ?
C’est un outil open-source destiné à diagnostiquer la performance et à repérer les goulets d’étranglement (latences dans les nœuds, queues ou kernels GPU) durant le développement, accélérant la transition de prototype vers robot fiable.
Que comprend Isaac ROS 4.0 sur Jetson Thor ?
Une collection de bibliothèques compatibles ROS accélérées par CUDA, ainsi que des modèles IA pour la manipulation et la mobilité, pour une inférence locale à faible latence et avec de hautes performances.
Quel lien existe-t-il entre Isaac Sim et le “standard de simulation” pour ROS ?
NVIDIA et Robotec.ai collaborent sur un standard de simulation intégré à Isaac Sim. L’objectif : faciliter le développement cross-sim et automatiser les tests pour réduire la friction du passage du virtuel au réel.
VIA : blogs.nvidia
Anguilla et le boom de l’IA : comment un ccTLD de 1995 est devenu la mine d’or (quasi) inattendue de l’IA