La course à la « mise en bouteille d’une étoile » a franchi une étape qualitative majeure : NVIDIA et General Atomics, en collaboration avec des partenaires académiques et de supercalcul de premier plan, ont élaboré un jumeau numérique interactif d’un réacteur à fusion. Ce modèle accélère la simulation et l’évaluation d’environnements critiques de semaines à secondes. Annoncé lors du GTC Washington, ce projet combine la plateforme NVIDIA Omniverse, les bibliothèques CUDA-X et les GPU de centres de données avec des données réelles et des modèles physiques pour prédire et contrôler le comportement du plasma en quasi temps réel.
Ce développement s’appuie sur des ressources de supercalcul de référence — Polaris (ALCF, Argonne) et Perlmutter (NERSC, Berkeley Lab) — utilisées pour entraîner à grande échelle trois modèles substituts (ou surrogate models) en intelligence artificielle. L’objectif : accélérer la progression scientifique et minimiser les risques avant toute intervention sur la machine réelle, dans l’installation nationale DIII-D soutenue par le Département de l’Énergie des États-Unis, regroupant un consortium de 700 chercheurs issus de 100 organisations.
« Explorer des scénarios virtuels avec un jumeau numérique interactif constitue une véritable changement de paradigme », explique Raffi Nazikian, expert en science des données de fusion chez General Atomics. « Nous pouvons tester, affiner et valider des idées beaucoup plus rapidement, ce qui accélère la transition vers une fusion maîtrisée. »
De semaines à secondes : une IA qui apprend des décennies d’opérations
Simuler le plasma — un « quatrième état » de la matière atteignant des centaines de millions de degrés — a historiquement nécessité des semaines, même avec les superordinateurs les plus avancés. Désormais, l’équipe utilise des modèles substituts en IA entraînés à partir de décennies de données expérimentales pour prévoir en secondes des variables clés du réacteur :
- EFIT : estime l’équilibre du plasma.
- CAKE : délimite la frontière du plasma.
- ION ORB : prédit la densité thermique des ions échappés.
Exécutés sur des GPU NVIDIA, ces modèles offrent des prédictions précises en temps réel, permettant aux opérateurs de maintenir la stabilité du plasma et d’éviter les dommages à l’installation, tout en explorant des scénarios hypothétiques jamais testés sur la machine physique.
Un jumeau numérique fusionnant physique, capteurs et ingénierie
Le jumeau du DIII-D est construit sur NVIDIA Omniverse et fonctionne sur des serveurs NVIDIA RTX PRO et NVIDIA DGX Spark. Il synchronise en temps réel :
- Les données des capteurs du réacteur.
- Les simulations physiques et les modèles d’ingénierie.
- Les modèles IA substituts pour accélérer la prédiction.
Ce cadre offre un environnement unifié et interactif où les concepteurs, physiciens et opérateurs peuvent tester des stratégies de contrôle, optimiser des bobines et profils, ou encore simuler des campagnes complètes sans aucun risque. Lorsqu’une hypothèse fonctionne dans ce jumeau, elle peut être transférée à la machine réelle avec plus de confiance et moins de tentatives.
L’enjeu pour la fusion commerciale
- Vitesse scientifique : faire passer le cycle hypothèse → test → ajustement de semaines à secondes.
- Sécurité et coûts : éviter les manœuvres pouvant endommager le réacteur et prioriser ce qui mérite les ressources machine.
- Transfert en conception : les enseignements du jumeau alimentent l’ingénierie des futurs réacteurs, accélérant ainsi la transition des démonstrateurs aux centrales commerciales.
Ce nouveau paradigme déplace la fusion d’un simple défi purement physique vers un enjeu cibérisé, où calcul, données et algorithmes se combinent aux diagnostics et à la théorie du plasma.
Les partenaires à l’origine de cette avancée
Outre General Atomics et NVIDIA, le San Diego Supercomputer Center (UC San Diego), le Argonne Leadership Computing Facility (ALCF) et le National Energy Research Scientific Computing Center (NERSC) ont apporté leur expertise technique. La collaboration public-privé vise à industrialiser ces capacités de jumeau numérique afin que l’écosystème de la fusion dispose d’outils de conception et de contrôle comparables à ceux d’autres industries complexes.
Les perspectives
Les chercheurs continueront à entraîner et affiner leurs modèles avec de nouvelles données et campagnes d’exploitation, tout en étendant le jumeau à plus de sous-systèmes du réacteur. À mesure que ces modèles répondront en temps réel avec des marges de sécurité et une explicabilité, leur usage pourra s’intégrer davantage dans les boucles de contrôle et la planification expérimentale, rapprochant ainsi la fusion de sa fabrication à grande échelle et commerciale.
Questions fréquentes
Qu’est-ce qu’un “jumeau numérique” en fusion ?
C’est une réplique virtuelle du réacteur qui combine modèles physiques, données réelles et IA, et qui reste synchronisée avec l’installation. Il permet d’expérimenter et d’optimiser sans risque avant toute intervention sur la machine physique.
Pourquoi utiliser des modèles IA alors que la modélisation physique existe déjà ?
La physique du plasma exige énormément de ressources pour la simulation, qui peut prendre des semaines. Les modèles IA apprennent à partir de données historiques et approchent les résultats en secondes, ce qui facilite l’interaction et le contrôle en quasi temps réel.
L’IA remplace-t-elle la physique de haute fidélité ?
Non. Elle la complète : elle accélère l’exploration et limite l’espace de solutions. Les modèles physiques restent essentiels pour valider les hypothèses et comprendre les relations de cause à effet.
Quelle influence cela pourrait-il avoir sur la fusion commerciale ?
Cela permet de réduire les délais et les coûts de R&D, de diminuer les risques opérationnels et de doter la conception et le contrôle de réacteurs de preuves plus rapides et plus concrètes. C’est un facilitateur vers des centrales à fusion à l’échelle commerciale.
Source : blogs.nvidia
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