Les Alternatives Émergentes à x86 et ARM : Révolution ou Illusion Technologique ?

Qualcomm et Samsung accélèrent leurs conceptions avec RISC-V pour se libérer des licences d'Arm

Exploration des voies alternatives dans le secteur des processeurs : RISC-V, LoongArch, IBM POWER et autres

Depuis plusieurs décennies, le monde de l’informatique est dominé par deux architectures majeures : x86, qui règne sur les PC et serveurs, et ARM, qui a conquis le secteur mobile et commence à défier la suprématie des précédentes. Cependant, en 2025, le paysage technologique connaît une diversification sans précédent.

Les architectures alternatives parviennent-elles à s’imposer durablement sur le marché ? La réponse est complexe, mais les signaux indiquent qu’elles trouvent maintenant des niches spécifiques où elles peuvent s’épanouir.

RISC-V : la grande espoir du code source ouvert

L’émergence de RISC-V, une architecture d’instructions (ISA) open source, bouleverse le secteur. Contrairement à x86 et ARM, contrôlées par des intérêts privés, RISC-V est entièrement ouverte, sans redevance de licence. Ses principaux atouts : absence de coûts de licence, personnalisation illimitée, indépendance vis-à-vis de fournisseurs uniques et flexibilité pour des adaptations spécifiques.

En 2025, un ordinateur portable supportant une carte mère RISC-V doit être lancé, destiné principalement aux premiers utilisateurs et développeurs, mais il promet d’être le plus accessible et abouti à ce jour. Malgré tout, les défis restent nombreux : les performances des puces RISC-V actuelles, telles que celles de DC-Roma II, sont inférieures à celles de leurs homologues x86 ou ARM. Le fabricant DeepComputing prévoit toutefois une mise à jour significative pour 2025 avec la DC-Roma III, visant à rapprocher ses performances de celles d’un Cortex-A76.

RISC-V brille déjà dans certains domaines

Dans les centres de données en Chine, des entreprises comme Alibaba (T-Head) et Huawei exploitent RISC-V pour réduire leur dépendance à la propriété intellectuelle importée. Des startups occidentales, telles que Ventana, développent des accélérateurs et coprocesseurs pour ces mêmes usages.

Par ailleurs, NVIDIA a annoncé que sa plateforme CUDA sera compatible avec l’ISA RISC-V côté CPU, ce qui pourrait ouvrir la voie à des processeurs RISC-V performants pour les applications exigeantes.

En résumé, RISC-V pourrait occuper une place importante dans l’électronique embarquée, l’IA et certains segments nichés. Mais il restera probablement marginal pour les ordinateurs personnels classiques jusqu’en 2027 ou 2028.

LoongArch : l’initiative géopolitique chinoise

En quête d’indépendance technologique, le développeur chinois Loongson a créé son propre ISA, LoongArch, distinct de celles conçues à l’étranger. Avec ses spécifications impressionnantes – jusqu’à 64 cœurs, 128 threads, cache de 32 Mo, fréquence maximale de 2,2 GHz – cette architecture vise à renforcer la souveraineté du pays. Son processeur phare, le 3E6000, revendique des performances supérieures à un Xeon 8380, encore que ces chiffres doivent être relativisés.

Ce développement, soutenu par le gouvernement, permet à la Chine d’étendre sa capacité de production locale, notamment pour les serveurs, systèmes embarqués industriels, applications gouvernementales ou dans des régions sous embargo, comme la Russie ou l’Iran. La concurrence avec Intel et AMD reste encore fragile, environ cinq années de retard en termes de performance brute, mais la croissance est régulière.

L’opportunité pour LoongArch est forte en Chine et dans certains marchés alignés politiquement. L’écosystème reste cependant limité, avec des perspectives de croissance annuelle de 20 à 30 % dans ses zones d’action.

IBM POWER : le vétéran qui persiste

Dédiés aux applications professionnelles et aux supercalculateurs, les processeurs IBM POWER continuent de tenir leur place. La gamme Power Systems est privilégiée pour l’analyse de données, l’intelligence artificielle et les architectures cloud-native. Avec une quote-part de marché modeste, environ 10 %, ils bénéficient néanmoins d’une croissance régulière, notamment grâce à la dernière famille POWER9.

L’atout principal de POWER réside dans sa virtualisation robuste, un avantage pour les infrastructures critiques, et ses hautes performances par cœur, adaptées aux bases de données ou à la cryptographie. Cependant, il est peu probable que cette architecture se développe rapidement en dehors de ses niches traditionnelles.

MIPS : le survivant adaptatif

Autrefois une référence en processeurs embarqués, MIPS connaît une renaissance ciblée, avec un marché en croissance estimée à 9 % par an jusqu’en 2031. Son faible consommation énergétique en fait un choix privilégié pour les réseaux, l’automatisation industrielle ou l’IoT. Ses produits majeurs sont souvent intégrés dans des appareils intelligents ou des systèmes embarqués, où il maintient une certaine popularité.

Pour 2025, MIPS demeure un acteur modeste, sans menace immédiate pour x86 ou ARM, mais il continue de s’appuyer sur ses faibles coûts et sa légèreté pour occuper ses segments de niche.

Panorama mondial : qui domine vraiment ?

En 2025, la domination demeure partagée : x86 reste maître dans le secteur des serveurs et des PC, avec 65 % du marché, tandis qu’ARM occupe 25 %, notamment grâce à ses solutions mobiles et nouvelles applications dans le domaine des data centers. Power continue de s’accrocher à ses segments d’élite, représentant 10 %, principalement dans le secteur professionnel.

Concernant l’électronique embarquée, ARM est omniprésente, MIPS poursuit ses activités de niche, et RISC-V commence à émerger, mais peine encore à rivaliser en masse.

Les défis principaux restent la compatibilité logicielle, les économies d’échelle et l’inertie du marché. La transition vers de nouvelles architectures exige des investissements importants et des avantages clairs.

Vers un avenir multipolaire

Les prévisions suggèrent que, d’ici 2030, RISC-V dominera dans ses secteurs de prédilection, mais restera marginal dans le grand marché des PC. LoongArch occupera une position stratégique en Chine, avec une croissance notable dans ses zones d’influence. IBM POWER persévérera dans ses niches, tandis que MIPS conservera ses applications spécialisées.

Plutôt qu’un remplacement total, le marché connaîtra une fragmentation accrue, chaque architecture trouvant sa place dans des segments où ses atouts sont irremplaçables. La véritable opportunité réside dans la capacité à créer des écosystèmes riches et compétitifs, où la diversification favorise l’innovation.

La grande question reste : où ces architectures pourront-elles vraiment faire la différence ? La réponse, de plus en plus claire, concerne les domaines où l’optimisation spécifique est cruciale, là où les géants ne veulent ou ne peuvent pas investir totalement.

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