Le “LaLigaGate” arrive au Congrès : ERC exige des explications au Gouvernement concernant les blocages massifs d’Internet

Le “LaLigaGate” arrive au Congrès : ERC exige des explications au Gouvernement concernant les blocages massifs d'Internet

La stratégie antipiratage de LaLiga est devenue une question politique majeure en Espagne. Après plusieurs semaines de dénonciations par des utilisateurs, des associations technologiques et des entreprises concernées, le parti politique Esquerra Republicana de Catalunya (ERC) a posé une série de questions au gouvernement pour clarifier l’étendue des blocages d’adresses IP ordonnés par la ligue de football.

Il s’agit de la deuxième fois que le parlement aborde cette problématique, la première ayant été initiée en mai par le groupe BNG, qui avait accusé le gouvernement d’abandon de ses fonctions en autorisant des blocages affectant des services légitimes.

Ce phénomène, surnommé « LaLigaGate » par ERC, est considéré comme un dangereux précédent : une entreprise privée disposant du pouvoir d’ordonner des blocages massifs sans contrôle démocratique suffisant ni garanties pour les droits fondamentaux.

D’après des documents, la stratégie de LaLiga n’a pas seulement ciblé des sites de retransmissions illégales, mais aurait également bloqué des plateformes légitimes telles que Steam, X (Twitter), des sites institutionnels et des pages d’entreprise, remettant en question la neutralité du net et la liberté d’information.

ERC exige donc la mise en place par l’État d’un cadre réglementaire clair, avec des critères « proportionnés, transparents et sous contrôle judiciaire » avant toute mise en œuvre de mesures de blocage.

Le groupe parlementaire demande également au gouvernement de préciser s’il prévoit réglementer l’intervention des entreprises privées dans la gestion de l’accès à Internet, notamment en assurant que tout blocage doit faire l’objet d’une ordonnance judiciaire, et quelles seront les modalités de supervision par des organismes tels que la CNMC ou la Secretaría de Estado de Telecomunicaciones.

Du côté de LaLiga, la réaction a été ferme. Organisée sous la direction de Javier Tebas, l’organisation a nié toute occurrence de blocages massifs sur des sites légitimes, affirmant que toutes leurs actions s’inscrivent dans des procédures judiciaires dûment autorisées et contrôlées. LaLiga minimise également les plaintes sur les réseaux sociaux, qualifiant ces dernières de fausses appropriations de sites inexistants ou peu fréquentés, visant à créer une panique sociale.

Un point stratégique est le recours à des fournisseurs comme Cloudflare, qui hébergent à partir d’une seule adresse IP plusieurs sites légitimes et illégaux. LaLiga avance que cette infrastructure sert de « bouclier numérique » pour les activités illicites, ce qui expliquerait la difficulté à éviter des impacts indirects sur des sites légitimes.

Selon LaLiga, la piraterie coûte chaque année entre 600 et 700 millions d’euros aux clubs espagnols, représentant environ la moitié de leurs revenus audiovisuels pour la saison 2022-2023. La consommation illégale reste élevée, avec un tiers de la population ayant recours à des contenus piratés, et jusqu’à 42 % chez les jeunes âgés de 15 à 24 ans. En Europe, plus de 5,3 millions de retransmissions en direct de contenus piratés ont été recensées au premier semestre 2024.

Ce conflit soulève un vif débat sur les limites de la lutte antipiratage, entre la nécessité de protéger les droits des créateurs et la garantie des libertés numériques. Alors que LaLiga insiste sur la légitimité juridique de ses démarches, des acteurs sociaux et politiques comme ERC mettent en avant le manque de garanties et le risque pour les droits fondamentaux.

Le gouvernement espagnol devra certainement répondre à ces questions au parlement, dans un contexte où la régulation technologique et le pouvoir des entreprises privées sur Internet deviennent des enjeux cruciaux pour l’avenir de la société numérique.

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