La Red Électrique et REN unissent leurs efforts avec ENTSO-E et les régulateurs européens après le blackout ibérique : enjeux pour la résilience du système et l’investissement dans les infrastructures critiques
Le 28 avril dernier, la crise énergétique qui a plongé l’ensemble de la Péninsule Ibérique dans le noir pendant plusieurs heures a conduit à l’ouverture d’une enquête formelle sous l’égide de l’ENTSO-E, en partenariat avec l’Agence des Régulateurs de l’Énergie de l’UE (ACER) et les régulateurs nationaux (CNMC et ERSE), ainsi que des opérateurs de réseaux à travers l’Europe.
Cette enquête est menée dans le cadre du Règlement Européen (UE) 2017/1485 et vise deux objectifs principaux : identifier les causes précises du collapse électrique en Espagne et au Portugal, et formuler des recommandations techniques et réglementaires pour éviter des incidents similaires à l’avenir.
Qu’est-ce qui a échoué et pourquoi est-ce important ?
Selon le rapport préliminaire de l’ENTSO-E, l’incident a été déclenché par une série de déconnexions de génération dans le sud de l’Espagne, provoquant une chute de fréquence jusqu’à 48,0 Hz, ce qui a activé des mécanismes de défense automatiques. La situation s’est aggravée en raison de la perte de synchronisme sur les lignes d’interconnexion avec la France, entraînant l’isolement complet du système électrique ibérique et son effondrement à 12h33 CET.
Bien que le rétablissement du système ait été relativement rapide — terminé au Portugal à minuit et en Espagne à 4h le lendemain —, cet événement a mis en évidence d’importants risques systémiques, soulevant des questions sur la robustesse du système lors de scénarios de forte demande, de production d’énergie renouvelable variable ou d’événements climatiques extrêmes.
Impact économique et sur la sécurité énergétique
En attendant une analyse complète des dommages, le blackout a eu un coût économique significatif pour des secteurs tels que le transport, l’industrie et les services numériques. Il a également ravivé le débat sur la suffisance des mécanismes de sauvegarde, la modernisation de l’infrastructure électrique, et l’interopérabilité des systèmes de protection entre les pays.
Dans le contexte actuel d’électrification croissante et de transition énergétique, des incidents de ce type soulignent :
- La nécessité d’intensifier les investissements dans les infrastructures critiques.
- Le rôle clé des technologies de démarrage autonome (black-start) dans les centrales hydroélectriques.
- L’importance de maintenir des interconnexions transfrontalières solides et bien synchronisées.
La réponse de Red Eléctrica et REN
Les opérateurs du système en Espagne (Red Eléctrica) et au Portugal (REN) ont collaboré étroitement dès le début du processus de restauration, apportant des données techniques complètes au Panel d’Experts de l’ENTSO-E. Parmi les mesures activées, on note :
- L’utilisation réussie de centrales hydroélectriques avec capacité black-start, comme celle d’Aldeadávila ou d’Alto Lindoso.
- La réactivation rapide des interconnexions internationales avec la France et le Maroc.
- La coordination pour créer des îles électriques en tant qu’étape intermédiaire avant de reconnecter l’ensemble du réseau péninsulaire.
Les deux entreprises ont réaffirmé leur engagement envers la résilience du système électrique, la collaboration européenne et la nécessité d’adapter les plans de défense à un environnement plus complexe et numérisé.
Prochaines étapes réglementaires
Le rapport final de l’enquête sera présenté par l’ENTSO-E à la Commission Européenne et aux États membres, probablement au cours du troisième trimestre de 2025. Ce rapport servira de base à :
- De possibles mises à jour réglementaires dans le Règlement d’Exploitation du Système.
- De nouvelles recommandations de l’ACER et des régulateurs nationaux (CNMC, ERSE).
- Une révision des plans de contingence et des protocoles d’action dans les réseaux synchronisés.
On s’attend à ce que les conclusions du panel technique contribuent également à définir des priorités pour le prochain paquet de financement du Mécanisme Connecter l’Europe (CEF), axé sur la numérisation du réseau électrique et les capacités de contrôle avancé.
Le blackout du 28 avril a rappelé de manière frappante que la sécurité énergétique de la Péninsule Ibérique, ainsi que celle du continent, dépend non seulement des énergies renouvelables ou de l’efficacité, mais aussi d’infrastructures électriques résilientes, bien coordonnées et protégées contre des événements de forte intensité. L’Europe a activé les mécanismes nécessaires ; maintenant, il reste à appliquer les leçons apprises.