L’avenir est dans l’eau : pourquoi les géants des centres de données échangent l’air contre le liquide

Global Switch inaugure à Londres la première salle de démonstration de refroidissement liquide pour centres de données en Europe.

Imaginez un instant la chaleur dégagée par votre ordinateur portable après plusieurs heures de travail. Maintenant, multipliez cela par des milliers de serveurs fonctionnant 24 heures sur 24, 365 jours par an. C’est la réalité à laquelle font face les centres de données hyperéchelles, ces immenses installations qui maintiennent en marche Internet, les réseaux sociaux, le streaming et presque tout ce que nous utilisons en ligne.

Pendant des décennies, l’industrie s’est appuyée sur des systèmes de climatisation massifs pour refroidir ces « cerveaux » technologiques. Cependant, une nouvelle tendance silencieuse émerge dans les couloirs de ces géants du numérique : le refroidissement par liquide, qui se profile comme une solution inattendue.

Selon David Carrero, cofondateur de Stackscale, une entreprise spécialisée dans l’infrastructure cloud et imprégnée dans le domaine du « PrivateGPT » et des centres de données, « nous sommes arrivés à un point où continuer à augmenter les systèmes de climatisation n’a plus de sens. C’est comme essayer de refroidir un four à ciel ouvert avec un ventilateur domestique. Les lois fondamentales de la physique imposent des limites. »

Le défi est simple en apparence mais complexe dans la pratique. Les processeurs modernes, en particulier ceux utilisés pour l’intelligence artificielle, génèrent des quantités colossales de chaleur, pouvant atteindre des températures qui risqueraient de faire fondre certains composants en l’absence de contrôle.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : si les systèmes de climatisation conventionnels peuvent gérer des densités de chaleur allant jusqu’à 10 kilowatts par rack, le refroidissement liquide peut aisément supporter entre 50 et 100 kilowatts. Il s’agit d’une différence majeure, comparable à la comparaison entre un simple tuyau d’arrosage et une canalisation industrielle.

Mais la véritable révolution ne réside pas uniquement dans la capacité de refroidissement, mais aussi dans l’efficacité énergétique. Les systèmes utilisant le liquide peuvent réduire leur consommation d’énergie de refroidissement jusqu’à 40 %. Avec les centres de données consommant environ 1 % de l’électricité mondiale, chaque pourcentage compté devient essentiel.

Ce qui était autrefois perçu comme une technologie de niche réservée aux superordinateurs s’est rapidement généralisé. Des géants comme Microsoft, Google et Amazon adoptent désormais massivement ces solutions de refroidissement liquide. « C’est comme si toute l’industrie avait eu la même révélation simultanément », indique Carrero. « Ce qui semblait être une technologie futuriste devient une nécessité incontournable. »

Au-delà de la gestion thermique, cette tendance bouleverse la façon dont on conçoit l’infrastructure numérique. Les serveurs peuvent être arrangés plus densément, nécessitant moins d’espace physique. Les coûts d’exploitation baissent considérablement et, dans certains cas, l’entretien devient plus simple. Sur le plan environnemental, réduire la consommation d’énergie a un impact direct sur l’empreinte carbone, ce qui est crucial dans une époque où la durabilité est primordiale. Pour des entreprises traitant des millions de requêtes quotidiennes, ces économies d’énergie peuvent représenter les émissions de petites villes.

Néanmoins, la transition n’est pas exempte de défis. La mise en place de ces systèmes demande des investissements initiaux conséquents et une expertise spécifique. De plus, elle implique un changement culturel dans une industrie longtemps fidèle aux systèmes d’air conditionné.

« La courbe d’apprentissage est réelle, admet Carrero. Les techniciens habitués à l’air doivent se former à ces nouvelles méthodes. Mais une fois qu’ils voient les résultats, ils ne reviennent pas en arrière. »

L’avenir semble tracer une voie où le refroidissement par liquide deviendra la norme, voire une nécessité. Les centres de données capables d’adopter cette technologie pourront offrir une puissance accrue à moindre coût opérationnel, constituant un avantage précieux dans un marché où chaque milliseconde et chaque watt comptent.

Selon les experts, dans les cinq prochaines années, la majorité des nouveaux centres de données hyperéchelles intégreront cette solution, non par mode passager mais par nécessité économique et opérationnelle. Ce changement silencieux représente bien plus qu’une avancée technologique : il incarne une réponse innovante aux limites imposées par la physique et l’environnement, redéfinissant ainsi le futur du monde numérique.

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