Le Clasico entre le FC Barcelone et le Real Madrid entraîne une interférence numérique massive

Le très attendu Clasico entre le FC Barcelone et le Real Madrid, qui s’est déroulé lors de la 35e journée de LaLiga, a provoqué l’une des interventions les plus agressives à ce jour dans le paysage numérique espagnol. Au-delà de la simple lutte contre les diffusions illégales du match, les mesures adoptées par LaLiga et mises en œuvre par les opérateurs ont eu un impact collatéral considérable sur les infrastructures numériques critiques, affectant directement les services de CDN, les plateformes de paiement et les réseaux sociaux.

Plus de 15.000 domaines .es sous interférence

Le gestionnaire de systèmes Jaume Pons a alerté que, samedi, au moins 15.432 sites web avec un domaine .es rencontraient des problèmes d’accès, sans compter 562 domaines régionaux tels que .cat, .eus ou .gal. L’ampleur du blackout numérique a progressivement augmenté, atteignant son paroxysme durant le match.

Ce schéma est bien connu lors de chaque journée de haute tension pour LaLiga, où les opérateurs mettent en place des mesures de géoblocage à l’échelle de l’IP ou du DNS pour entraver d’éventuelles diffusions illégales, sans faire la distinction entre les contenus fautifs et les services légitimes.

Vercel : entre collaboration et représailles

L’un des cas les plus controversés concerne Vercel, une entreprise technologique ayant signé un accord avec LaLiga dans le cadre de son autoproclamé « écosystème contre la piraterie ». Malgré ce pacte, la plateforme a constaté de nouveaux blocages de ses IPs sans notification préalable. Son PDG, Guillermo Rauch, a dénoncé publiquement sur X que les mécanismes de signalement convenus n’étaient pas utilisés.

« Héberger des millions de sites critiques implique une énorme responsabilité », a souligné Rauch, avertissant que des décisions unilatérales comme celle-ci pouvaient avoir des répercussions pour des startups, des projets gouvernementaux et le commerce numérique.

Redsys : la stabilité de l’e-commerce en danger

Le blocage a également touché la passerelle de paiement Redsys, essentielle au fonctionnement de la plupart des commerces électroniques en Espagne. Des utilisateurs de l’opérateur Digi n’ont pas pu finaliser leurs paiements via le système 3D Secure, hébergé sur 3ds.redsys.es, en raison de son lien avec les infrastructures d’Akamai, un autre acteur impliqué.

Bien que temporaires, ces interruptions interrogent la robustesse de l’écosystème numérique espagnol, surtout lorsque les mesures visant à protéger les contenus sportifs entravent les opérations bancaires et commerciales quotidiennes.

Cloudflare, Vimeo, Warp et X : dommages collatéraux

L’entreprise Cloudflare, connue pour son refus de collaborer avec LaLiga, a été particulièrement touchée : jusqu’à 472 de ses IPs ont été bloquées, affectant des services tels que la VPN Warp, le réseau social X (anciennement Twitter) et la plateforme vidéo Vimeo. L’incapacité d’activer Warp depuis des réseaux comme Telefónica a aggravé les problèmes de connectivité intermittente avec X, dont le service de lien t.co est resté inaccessible pendant plusieurs heures.

Il convient de noter que X avait récemment engagé des services anti-DDoS de Cloudflare, à la suite d’une attaque massive attribuée à Dark Storm, soulignant l’ironie de ce nouveau « blocage national » auquel elle est soumise pour des raisons autres que la cybersécurité.

Vers une censure technique sans précédent ?

Les événements survenus soulignent le manque de proportionnalité et de transparence dans les mécanismes de protection des droits audiovisuels actuels. Des sites non liés au domaine sportif, comme ForoCoches, ont également subi des chutes de service depuis des réseaux comme O2 et Movistar, tandis que les utilisateurs ont signalé l’impact des résolutions DNS liées à Redsys.

Ni la CNMC ni d’autres autorités compétentes n’ont fait de déclaration concernant ce problème, entraînant une absence préoccupante de supervision réglementaire sur des pratiques qui touchent directement aux droits fondamentaux, tels que l’accès à Internet.

Un modèle de censure programmé pour la fin de saison

Avec la 36e journée de LaLiga programmée entre le 13 et le 15 mai, il semble probable que ces mesures se reproduisent avec la même intensité, voire davantage. Les experts préviennent que, sans cadre législatif spécifique, ces initiatives pourraient établir un modèle de censure technique dissimulée, mis en œuvre par les opérateurs et tacitement soutenu par les institutions.

La combinaison de blackouts IP, de blocages CDN, d’interférences dans les services de paiement et de pannes sur les réseaux sociaux dessine un tableau préoccupant pour la neutralité du net en Espagne. D’autant plus que les mécanismes de collaboration, censés prévenir ces effets collatéraux, sont ignorés ou appliqués de manière arbitraire.

Alors que les buts de ce Clasico font vibrer les stades, un match beaucoup plus silencieux et aux conséquences systémiques se livre dans le paysage numérique espagnol.