La transition énergétique et le visage caché des minéraux critiques

La transition énergétique et le visage caché des minéraux critiques

La lutte contre le changement climatique a placé les énergies renouvelables, l’énergie nucléaire et les technologies de stockage au cœur du débat mondial. Panneaux solaires, éoliennes, batteries au lithium-ion et réacteurs nucléaires de nouvelle génération symbolisent un avenir plus propre. Toutefois, derrière cette révolution se cache une réalité moins visible : la transition énergétique dépend d’une extraction minière intensive de minerais critiques, dont l’extraction, la localisation géographique et les impacts environnementaux soulèvent d’importants défis.

Selon l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE), les technologies faibles en carbone nécessitent de 2 à 10 fois plus de minerais que les sources fossiles pour produire la même quantité d’énergie. Par exemple, une centrale à gaz requiert moins d’une tonne de minerais par mégawatt installé, contre plus de six tonnes pour une installation solaire photovoltaïque ou dix tonnes pour une éolienne terrestre. À l’échelle mondiale, cela implique que la demande en lithium pourrait quintupler, celle en nickel doubler, et celle en cuivre augmenter de plus de 25 % d’ici 2050, selon les projections de l’AIE.

La géopolitique des minerais devient alors un enjeu central. Le cobalt, notamment produit à plus de 70 % en République démocratique du Congo, le lithium concentré dans le « triangle du lithium » (Chili, Argentine, Bolivie) avec la Chine et l’Australie comme acteurs clés, ou encore les terres rares où la Chine contrôle plus de 60 % de la production et pratiquement 90 % du raffinage mondial, illustrent cette concentration. Cette dépendance stratégique soulève des préoccupations pour l’Union Européenne et les États-Unis, qui ont adopté des législations pour sécuriser et diversifier leurs chaînes d’approvisionnement.

Sur le plan environnemental et social, l’extraction de ces minerais pose d’importants problèmes. La production d’une tonne de cuivre nécessite la mobilisation de 200 tonnes de roche, et celle de cobalt jusqu’à 1 500 tonnes, impliquant déforestation, émissions de polluants, consommation excessive d’eau et risques pour les communautés locales. En RDC, la minerale artisanale est souvent associée au travail des enfants et à des conditions de travail précaires, alimentant un débat éthique sur la pureté des chaînes d’approvisionnement pour la transition énergétique.

Les véhicules électriques accentuent également la pression. Une batterie de 70 kWh requiert en moyenne 62 kg de lithium, 35 kg de nickel, 20 kg de manganèse, 14 kg de cobalt et 85 kg de cuivre. La demande en minerais pourrait donc doubler ou tripler, rendant impérative une gestion responsable, incluant recyclage, innovation matérielle et diversification des sources. Bien que la production nucléaire ait une empreinte matérielle plus faible, le déploiement massif des énergies solaire et éolienne, surtout en version marine, intensifie la demande de minerais.

Par ailleurs, la transition électrique implique aussi l’extension des réseaux électriques, qui contiennent à l’échelle mondiale environ 150 millions de tonnes de cuivre et 210 millions de tonnes d’aluminium, et devront doubler d’ici 2040. La relance des investissements dans ce secteur augmentera encore la demande pour ces métaux.

Le développement de l’hydrogène vert, des intelligences artificielles et des nouveaux modes de consommation engendre aussi une croissance du besoin en minerais stratégiques comme le platine, le palladium ou encore certains terres rares, indispensables aux piles à combustible ou aux composants électroniques.

Le recyclage représentera une solution essentielle pour atténuer la pression minière. Si plus de 75 % de l’aluminium est aujourd’hui recyclé, la récupération du lithium ou des terres rares reste encore faible, ce qui limite la soutenabilité de la transition.

En somme, si la réduction des émissions carbones est indispensable, elle implique également une Verantwortung accrue dans la gestion des minerais critiques, ressources aujourd’hui considérées comme le nouveau pétrole. Leur exploitation responsable, combinée à des démarches de recyclage et à une diversification géographique, sera déterminante pour assurer une transition énergétique réellement durable.

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