Depuis le début de la guerre en Ukraine en février 2022, la Russie cherche des moyens de réduire sa dépendance vis-à-vis des pays occidentaux, qui ont imposé de nombreuses sanctions économiques et technologiques au pays. L’une des initiatives les plus ambitieuses du Kremlin est le développement de sa propre version d’Internet, connue sous le nom de « RuNet », qui vise à isoler complètement les citoyens russes du réseau mondial et à permettre un contrôle accru sur l’accès à l’information.
Tests de blocage de VPN dans différentes régions
L’organisme de régulation des télécommunications russe, Roskomnadzor, a intensifié ses efforts pour bloquer l’accès à des sites internet et services non approuvés par le gouvernement. Selon l’Institut pour l’étude de la guerre (ISW), pendant le dernier week-end, Roskomnadzor a réalisé des tests de blocage de VPNUn VPN, abréviation de Virtual Private Network, ou Réseau Privé Virtuel… qui ont affecté plusieurs régions, y compris le Daguestan, la Tchétchénie et l’Ingouchie. Les citoyens de ces zones, beaucoup d’entre elles habitées par des minorités ethniques, ont rapporté des problèmes pour accéder à des services tels que WhatsApp, Telegram, YouTube, Google et même des plateformes nationales comme Yandex.
À l’heure actuelle, on estime qu’au moins 197 services de VPN sont déjà bloqués en Russie. Bien qu’il reste encore quelques outils de ce type opérationnels, leur nombre et noms spécifiques restent inconnus. Ces tests visent à évaluer l’efficacité des restrictions et à préparer le terrain pour un « Internet souverain » que le gouvernement russe contrôlerait totalement.
Un Internet « souverain » : le plan de RuNet
Le but ultime de la Russie est de créer un réseau national fermé qui fonctionnerait de manière indépendante de l’infrastructure globale. Ce système, appelé RuNet, cherche à assurer que les citoyens russes ne puissent accéder qu’à des sites et plateformes approuvés par le Kremlin. Pour cela, le gouvernement a alloué un investissement d’environ 648 millions de dollars pour développer des technologies qui restreindraient l’accès au réseau mondial et favoriseraient l’utilisation d’alternatives nationales.
Les autorités ont également augmenté les efforts pour convaincre la population d’abandonner l’utilisation d’applications et de services occidentaux, favorisant les plateformes développées au sein du pays. Cette approche permet non seulement un contrôle accru de l’information, mais renforce aussi l’isolement du pays sur le plan numérique.
Blocages aux fournisseurs étrangers
Le 7 décembre dernier, Roskomnadzor a annoncé qu’il envisage de bloquer huit fournisseurs étrangers de services Internet pour non-conformité avec les lois de censure du pays. Parmi les fournisseurs susceptibles d’être affectés se trouvent des géants technologiques tels qu’Amazon Web Services (AWS), GoDaddy et HostGator. La mesure fait partie d’un effort pour expulser du marché russe les entreprises qui ne se conforment pas aux réglementations strictes imposées par le gouvernement.
Contrôle total sous un déguisement technologique
À travers ces actions, le Kremlin cherche non seulement à assurer son contrôle sur le flux d’informations à l’intérieur du pays, mais aussi à personnaliser l’expérience de navigation de ses citoyens afin qu’elle soit alignée avec les intérêts du gouvernement. À mesure que ce plan avance, les alternatives nationales aux services occidentaux, tels que les réseaux sociaux, les moteurs de recherche et les applications de messagerie, joueront un rôle clé dans le maintien des citoyens à l’intérieur de l’écosystème numérique russe.
Implications mondiales et l’avenir de RuNet
Le développement de RuNet pose de sérieux défis non seulement pour la liberté d’expression en Russie, mais aussi pour l’architecture de l’Internet mondial. Ce modèle de réseau fermé pourrait être répliqué par d’autres pays ayant des gouvernements autoritaires, marquant un changement dans la conception de l’accès à l’information à l’échelle mondiale.
Bien que le succès de ce plan reste à déterminer, il est certain que le Kremlin a démontré sa volonté d’allouer des ressources significatives et d’appliquer des restrictions sévères pour atteindre ses objectifs. À court terme, les tests de blocage et l’isolement numérique continueront de façonner le paysage technologique en Russie, laissant ses citoyens de plus en plus déconnectés du reste du monde.