Intensification des coupures d’Internet en Russie face à la menace des drones ukrainiens
Plus de 600 coupures de données mobiles enregistrées en juin ; les autorités cherchent à empêcher l’accès des drones aux signaux de géolocalisation.
Dans un effort pour contrer l’augmentation des attaques par drones lancées par l’Ukraine, les autorités russes ont renforcé l’utilisation de coupures d’Internet mobile à travers tout le pays. Selon des données recueillies par le forum technologique Na Svyazi et relayées par Bloomberg, 654 coupures intentionnelles de données mobiles ont été signalées en juin, soit presque dix fois plus qu’en mai.
L’objectif principal de cette stratégie réside dans la dépendance des drones aux signaux mobiles pour recevoir des coordonnées et localiser leurs cibles. Cette vague d’interruptions est devenue systématique depuis l’opération "Spiderweb", une offensive ukrainienne qui a permis l’introduction de drones sur le territoire russe pour attaquer des bases aériennes stratégiques.
L’intensification de ces tactiques coïncide avec la commémoration du Jour de la Victoire le 9 mai, lorsque des restrictions préventives en matière de télécommunications ont déjà été mises en place. Depuis lors, les coupures sont devenues routinières dans les régions du sud-ouest, du nord-ouest et en Sibérie, selon le média indépendant The Moscow Times, qui lui-même a été frappé par la répression du Kremlin et déclaré "organisation indésirable".
Conséquences sur la vie quotidienne
Ces coupures affectent non seulement les capacités défensives des drones, mais ont également un impact direct sur la vie quotidienne des citoyens. Les commerces ne pouvant pas traiter les paiements par carte, les distributeurs automatiques inopérants et les services de taxi revenant à la prise en charge par téléphone, sont quelques-uns des effets collatéraux de cette mesure.
Dans la région de Sarátov, le gouverneur Román Busarguin a justifié ces restrictions comme des mesures pour "maintenir la sécurité". Néanmoins, dans la pratique, les coupures engendrent une perturbation économique et sociale croissante, notamment dans les zones où les services numériques ont largement remplacé les mécanismes traditionnels.
Le média régional russe 7×7 a récemment publié une carte détaillant une large dispersion des coupures, affectant au moins 30 régions. Le projet de surveillance technologique Na Svyazi a rapporté mercredi des interruptions dans 35 régions en une seule journée, ce qui pourrait constituer un record.
Des chiffres atypiques à l’échelle mondiale
Ces données contrastent avec le panorama mondial. Selon le rapport du premier trimestre 2025 de Cloudflare, aucun gouvernement n’a ordonné de coupures d’Internet dans le monde durant cette période. Même dans les trimestres précédents, les seuls cas identifiés correspondaient à des contextes exceptionnels, tels que des manifestations ou des examens nationaux, et aucun n’a atteint l’ampleur observée en Russie.
Le contraste est d’autant plus frappant que la pratique des coupures de services numériques est historiquement associée à des régimes autoritaires ou des situations de crise sévère. Cependant, dans ce cas, l’argument principal ne porte pas sur le contrôle social, mais sur la guerre technologique qui se déroule en parallèle au conflit militaire conventionnel.
Attaques ciblées sur des infrastructures stratégiques
Les drones ukrainiens ont récemment concentré leurs offensives sur des usines et des infrastructures critiques en Russie. L’un des derniers incidents a eu lieu dans la ville d’Izhevsk, où l’usine électromécanique Kupol, spécialisée dans la production de systèmes de défense aérienne et de drones, a été touchée par une attaque. Ces frappes ciblées mettent en lumière la vulnérabilité de certains sites industriels face à la guerre non conventionnelle.
Le dilemme russe : sécurité contre connectivité
La stratégie du Kremlin soulève un dilemme complexe : comment protéger les infrastructures et les vies sans compromettre la fonctionnalité d’un pays de plus en plus numérisé ? Alors que les autorités renforcent leur narrative de sécurité nationale, les citoyens se retrouvent face à des interruptions constantes qui sapent la normalité de leurs routines quotidiennes.
Pour l’instant, la tendance semble s’accroître. Les chiffres de juin marquent un précédent qui pourrait se consolider si les attaques de drones se poursuivent sur le sol russe. Ce qui était initialement des mesures exceptionnelles à des fins militaires menace de devenir la nouvelle normalité dans des dizaines de régions du pays.
Source : The Moscow Times