Intel connaît une période de bouleversements internes importants. Selon une communication interne rapportée par Reuters, trois hauts responsables de sa division Intel Foundry, spécialisée dans la fabrication de semi-conducteurs pour des clients externes, quitteront leurs fonctions dans les prochaines semaines. La démission la plus remarquée concerne Gary Patton, vice-président exécutif (CVP) et directeur général de la Design Technology Platform, un leader reconnu dans l’industrie grâce à ses expériences chez IBM et GlobalFoundries.
Il sera rejoint par Kaizad Mistry et Ryan Russell, également vice-présidents au sein du groupe Développement Technologique, responsables de segments clés dans l’évolution des processus de fabrication. Ces départs interviennent dans un contexte de restructuration plus vaste engagée par Intel dès le début de 2025.
Gary Patton, qui a rejoint Intel en 2021 après un long parcours chez IBM et GlobalFoundries, avait en charge la supervision de l’ingénierie de conception au sein de la division Foundry. Son rôle était crucial pour assurer la compatibilité des outils de conception de processus (PDKs), des bibliothèques de propriété intellectuelle (IP) et la validation avec les outils EDA, afin d’optimiser la développement de puces performantes et efficaces.
Son départ, ainsi que celui de Mistry et Russell, représente une perte stratégique pour la division, essentielle à la compétition d’Intel face à TSMC et Samsung sur le marché mondial de la fabrication de puces.
En parallèle, Dr. Ann Kelleher, vice-présidente exécutive en charge du développement des procédés de fabrication depuis 2020, prévoit également de se retirer d’ici la fin de l’année après plus de 30 ans chez Intel. Elle conservera néanmoins un rôle de conseillère stratégique concernant la capacité de fabrication en Europe et aux États-Unis.
La transition sera assurée par Naga Chandrasekaran, qui prendra en charge le développement et la production des process front-end, et Navid Shahriari, responsable du back-end, notamment l’assemblage, les tests et l’emballage avancé. Chandrasekaran, ancien dirigeant de Micron, a depuis 2024 dirigé la fabrication et la chaîne d’approvisionnement d’Intel pour renforcer la cohérence entre R&D et production. Shahriari se concentrera sur la stratégie de packaging et d’intégration de chiplets, fondamentaux pour l’avenir des architectures modulaires.
Ces changements surviennent dans un contexte critique pour Intel, qui a annoncé la suspension de ses projets d’extension en Europe, notamment en Allemagne et en Pologne, ainsi qu’un ralentissement dans sa croissance aux États-Unis. La société revoit également ses ambitions autour du nœud technologique 14A, un composant central de sa stratégie « 5 nœuds en 4 ans (5N4Y) », dont la réalisation dépendra de la capacité à sécuriser de gros clients externes.
Face aux enjeux financiers, Intel prévoit une réduction drastique de sa main-d’œuvre : une baisse de 15 % en 2025, ce qui équivaut à supprimer environ 30 000 postes sur un effectif total d’environ 75 000 employés, incluant plus de 10 000 suppressions dans ses usines.
Ces bouleversements soulignent une étape majeure dans la stratégie de reindustrialisation de l’Américain. Sous la direction de Pat Gelsinger, Intel ambitionne de s’imposer comme un fournisseur de semi-conducteurs pour tiers à l’échelle mondiale dans un marché dominé par l’Asie, en tirant parti des incitations américaines et européennes pour rééquilibrer sa chaîne d’approvisionnement.
Cependant, ces départs importants et ajustements organisationnels soulèvent des questions quant à la vitesse et à la faisabilité de leurs plans. La réussite des développements pour les nœuds 18A et 14A, la compétitivité face à TSMC, et la capacité à attirer de gros clients seront des éléments déterminants dans les mois à venir.