Huawei construit une mégafabrique de puces à Shenzhen pour renforcer la souveraineté technologique de la Chine.

Huawei se prépare à la production de masse de sa puce IA la plus avancée, l'Ascend 910C

La société développe sa propre chaîne d’approvisionnement pour l’IA et les processeurs mobiles alors que les États-Unis intensifient les restrictions commerciales.

Huawei est en train de construire à Shenzhen une méga-usine de semi-conducteurs qui pourrait révolutionner l’écosystème technologique chinois. Selon le Financial Times et d’autres sources du secteur, ce projet vise à augmenter la production des puces Kirin et Ascend via sa filiale HiSilicon. Cette manœuvre stratégique a pour objectif de réduire radicalement la dépendance à des fournisseurs étrangers et de consolider une chaîne d’approvisionnement nationale axée sur l’intelligence artificielle et l’informatique avancée.

Dans un contexte marqué par les restrictions imposées par l’administration Trump et prolongées par ses successeurs, la Chine intensifie ses efforts pour atteindre l’autosuffisance technologique. Huawei, soutenu financièrement par le gouvernement local, prend la tête d’une initiative qui pourrait la transformer non seulement en fabricant d’appareils, mais aussi en un acteur clé dans le secteur des semi-conducteurs.

Shenzhen : le nouvel épicentre de la technologie chinoise

La nouvelle usine, comme l’ont rapporté des sources, sera située à proximité d’autres fonderies importantes telles que Pengxinwei et Shenzhen Pensun, suggérant que Huawei est en train de créer un véritable pôle de fonderies. Ce centre de production permettra à la société de coordonner beaucoup plus efficacement sa chaîne d’approvisionnement et de faciliter la collaboration avec des partenaires locaux.

La méga-installation devrait produire des puces Kirin — destinées au marché mobile — et des processeurs Ascend — orientés vers les applications d’intelligence artificielle — en utilisant des technologies de fabrication de 7 nanomètres, un nœud avancé qui semblait jusqu’ici réservé aux grandes fonderies mondiales comme TSMC et Samsung.

Huawei, au-delà du matériel : intégration verticale complète

Ce nouveau développement confirme la transformation de Huawei en une entreprise capable de contrôler tous les maillons de la chaîne technologique. Comme l’a souligné Dylan Patel, fondateur de la société de conseil SemiAnalysis, “Huawei s’engage dans un effort sans précédent pour développer en interne tous les maillons de la chaîne d’approvisionnement de l’IA, des équipements de fabrication de plaquettes à la construction de modèles. Jamais nous n’avions vu une seule entreprise tenter de tout faire”.

L’entreprise est déjà un leader dans la fabrication de matériel pour l’IA en Chine, et avec cette méga-usine, elle vise également à s’indépendantiser en ce qui concerne les composants clés qu’elle a traditionnellement dû importer. Parallèlement, des initiatives comme DeepSeek, soutenues par Huawei, développent des modèles d’IA capables de rivaliser avec OpenAI, sans avoir besoin d’utiliser le matériel coûteux de NVIDIA.

Le rôle de l’État et pression géopolitique

Bien que Huawei ne gérera pas directement l’usine — les entreprises SiCarrier et SwaySure assumeront cette fonction — elle fournit cependant les ressources financières, techniques et de gestion qui structurent le projet. Le soutien institutionnel est évident : le gouvernement local de Shenzhen soutient la construction dans le cadre de sa stratégie nationale d’indépendance technologique, notamment après les sanctions qui ont limité l’exportation de technologies avancées en provenance des États-Unis.

Pour Washington, l’évolution de Huawei représente un défi de taille. Même NVIDIA a averti le gouvernement américain que les restrictions pourraient devenir contre-productives, poussant le géant asiatique à développer plus rapidement ses propres alternatives. À mesure que le marché chinois cesse de dépendre des fournisseurs étrangers et se tourne vers des produits nationaux, des entreprises comme Huawei gagnent en parts de marché et augmentent leurs capacités d’investissement en R&D.

Un nouveau paysage mondial pour les semi-conducteurs

La méga-usine de Shenzhen ne représente pas un fait isolé, mais fait partie d’une tendance plus large. La Chine est passée de l’état de dépendance aux puces étrangères à celui de contrôle de 38 % des équipements de fabrication de semi-conducteurs à l’échelle mondiale, selon McKinsey. Ce retournement ne défie pas seulement les États-Unis, la Corée du Sud et l’Europe, mais reconfigure également l’équilibre des pouvoirs dans un secteur clé de l’économie numérique.

Dans ce nouveau contexte, Huawei s’affirme comme l’acteur le plus ambitieux au sein de l’écosystème chinois. Son pari sur une chaîne d’approvisionnement totalement intégrée et autonome non seulement renforce sa position face aux sanctions, mais pourrait également redéfinir le modèle commercial des grandes entreprises technologiques à l’échelle mondiale.

En attendant, la grande question qui demeure est : les puissances occidentales peuvent-elles contenir cette accélération industrielle chinoise ou assistons-nous au début d’une nouvelle ère technologique dominée par Pékin ? La réponse commence à se forger, littéralement, à Shenzhen.

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