HP et Dell, deux des plus grands fabricants d’ordinateurs au monde, ont commencé à vendre certains de leurs portables avec une surprise désagréable : la prise en charge matérielle du codec vidéo HEVC (H.265) est désactivée par défaut, malgré la capacité du processeur à le gérer.
Cette mesure, révélée par Ars Technica et confirmée par les deux entreprises, concerne principalement les ordinateurs professionnels d’entrée de gamme et de gamme moyenne, tandis que les modèles plus coûteux — dotés d’écrans 4K, de GPU dédiés ou de fonctionnalités multimédias avancées — maintiennent leur compatibilité active.
Derrière ce changement ne se cache pas un problème technique, mais une raison économique : l’augmentation des coûts de licence du codec HEVC, gérés par des pools de brevets regroupant les principaux détenteurs de la technologie. Pour de nombreux utilisateurs, cela laisse la sensation d’avoir payé plus de 800 dollars pour un portable « Pro » dépourvu d’une fonction vidéo basique qu’ils considéraient acquise.
Que font exactement HP et Dell ?
Selon les informations disponibles, le matériel est toujours là et fonctionne, mais le système ne propose plus par défaut l’inclusion des codecs HEVC. En pratique, Windows ne peut pas utiliser l’accélération matérielle pour la lecture ou l’encodage vidéo H.265 au niveau du système d’exploitation, sauf si l’utilisateur recourt à un logiciel tiers ou achète un codec supplémentaire via le Microsoft Store.
Dell a indiqué que la désactivation concerne ses “systèmes standard et basiques”, tandis que les appareils avec écran 4K intégré, GPU dédié, support Dolby Vision ou logiciels spécifiques pour Blu-ray continuent d’inclure HEVC activé. HP, quant à lui, admet qu’à partir de 2024, ils ont désactivé HEVC sur certains modèles professionnels, notamment les séries EliteBook et ProBook de dernière génération, et recommande des solutions tierces pour ceux qui en ont besoin.
Le résultat pratique pour l’acheteur est simple à décrire mais difficile à comprendre : on achète un ordinateur portable moderne, doté d’un processeur capable de décoder HEVC, mais certains vidéos deviennent impossibles à lire en douceur, la consommation CPU grimpe en flèche ou certaines applications affichent des erreurs en tentant d’ouvrir des contenus dans ce format.
Le problème de fond : des licences HEVC plus coûteuses
HEVC (H.265) est une norme internationale de compression vidéo très utilisée pour les contenus 4K, les services de streaming, les caméras d’action, les drones ou les mobiles. Contrairement aux codecs ouverts comme AV1, HEVC est entouré d’un réseau complexe de brevets gérés par plusieurs pools (HEVC Advance, MPEG LA, etc.), qui prélèvent des royalties pour chaque appareil compatible.
En juillet, l’administrateur de brevets Access Advance a annoncé une hausse tarifaire : pour des volumes supérieurs à 100 001 unités, le droit dans la région des États-Unis passe de 0,20 à 0,24 dollars par appareil, soit une augmentation de 20 %.
Cela peut paraître dérisoire, mais ce n’est pas négligeable quand on multiplie par les volumes vendus par HP et Dell. Au troisième trimestre 2025, HP a vendu environ 15,00 millions d’ordinateurs et Dell un peu plus de 10,16 millions, selon Gartner.
Si tous ces appareils étaient soumis aux royalties complètes et que la hausse de 0,04 dollar par unité s’appliquait, cela entraînerait un surcoût théorique d’environ :
- 600 000 dollars par trimestre pour HP.
- 400 000 dollars par trimestre pour Dell.
La réalité est plus complexe — il existe des exceptions, des plafonds de paiement et des régions où tout cela diffère — mais le message reste clair : activer HEVC sur tous les modèles, y compris les moins chers, engendre un coût réel pour la balance de l’entreprise.
Synology a déjà ouvert la voie : “que le client décode lui-même”
Le mouvement de HP et Dell n’est pas totalement isolé. En 2024, le fabricant de NAS Synology a annoncé qu’il cessait d’offrir la transcodification de HEVC, H.264/AVC et VC-1 dans ses plateformes DiskStation Manager (DSM) et BeeStation OS. La société a expliqué que la prise en charge de ces codecs est désormais courante sur les mobiles, téléviseurs et PC, et que mieux vaut décharger le travail sur le dispositif de l’utilisateur plutôt que le laisser au serveur.
Bien que le cas ne soit pas identique, la logique de fond est similaire :
- Le fabricant évite d’assumer directement le coût et la complexité des licences.
- Il mise sur le fait que de nombreux appareils finaux sont déjà capables de décoder ces formats eux-mêmes.
- L’utilisateur peut ne pas remarquer le changement… jusqu’à ce qu’un scénario particulier le concerne.
Dans le cas de HP et Dell, le problème est aggravé car l’appareil final, c’est précisément le portable de l’utilisateur, qui suppose qu’un système moderne pourra lire sans problème les vidéos de son smartphone, caméra ou plateformes de streaming.
Portables “Pro” sans fonctions professionnelles : la réaction de la communauté
Sur les forums et réseaux sociaux, plusieurs utilisateurs ont exprimé leur mécontentement, surtout ceux ayant acheté des portables de gamme professionnelle à plus de 800 dollars et découvrant ensuite l’absence de support HEVC intégré. Beaucoup considèrent qu’il s’agit d’un coût “à la centaine de dollars” pour une fonction qui impacte directement leur expérience quotidienne.
Les principales critiques concernent :
- Manque de transparence : absence d’indication claire dans les fiches produits ou les emballages.
- Impact sur le flux de travail : professionnels de la vidéo, créateurs de contenu et utilisateurs manipulant des fichiers 4K HEVC doivent trouver des solutions alternatives.
- Confusion technique : beaucoup de problèmes de lecture sont attribués à des bugs logiciels ou au service de streaming, alors que la cause vient de l’absence de codec avec accélération hardware.
Dans des communautés techniques comme Hacker News ou Reddit, la décision a été qualifiée de “ridicule” et d’exemple du raccourci que prennent certains fabricants pour économiser sur les coûts.
Que faire si votre portable est concerné ?
Pour ceux qui possèdent déjà l’un de ces modèles, la situation n’est pas totalement irréversible :
- Utiliser un lecteur avec codec intégré
Des applications comme VLC ou MPV disposent de leurs propres décodeurs HEVC et peuvent souvent exploiter directement l’accélération matérielle, sans dépendre du codec du système. - Acheter un codec HEVC sur le Microsoft Store
Microsoft vend une extension payante pour HEVC (environ 1 dollar/euro) qui active le support à l’échelle du système pour toutes les applications. La dépense reste modérée, intérimaire, mais évite certains problèmes. - Forcer l’utilisation d’autres codecs quand c’est possible
Certaines caméras, mobiles et logiciels de montage proposent des formats alternatifs comme H.264/AVC ou AV1. Bien que pas toujours pratique, cela peut soulager certains cas. - Vérifier précisément les spécifications avant l’achat
En l’absence d’informations claires, il est conseillé de consulter forums et documentation technique, surtout si vous prévoyez de faire de la retouche vidéo ou de lire intensément du contenu 4K.
Ce que signifie la fin éventuelle de HEVC sur les PC d’entrée de gamme ?
La hausse des coûts de HEVC et l’émergence d’alternatives libres comme AV1 laissent penser que les fabricants pourraient adopter un modèle hybride :
- Support complet de HEVC dans les gammes haut de gamme, stations de travail, portables multimédia et appareils orientés créateurs.
- Dépendance à des logiciels tiers ou codecs payants pour les gammes d’entrée et les modèles professionnels standards.
- Progression vers AV1 et autres formats libres pour les services de streaming et plateformes vidéo, réduisant à terme la nécessité de HEVC côté client.
Pour l’instant, ce qui est certain, c’est que le marché PC entre dans une zone sensible, où des fonctionnalités autrefois garanties — comme la décompression matérielle d’un codec très répandu — peuvent devenir une option, une extension ou une mention en petite taille dans les fiches techniques.
Questions fréquentes sur la désactivation du HEVC dans les portables HP et Dell
Comment savoir si mon portable HP ou Dell a désactivé le support matériel HEVC ?
Une indication claire est que certains vidéos en HEVC (par exemple, des enregistrements 4K récents de smartphones) ne se lisent pas ou se figent dans des applications comme Films & TV ou Photos de Windows, alors que l’utilisation du CPU explose. Pour en être sûr, il suffit d’installer un lecteur comme VLC et de vérifier si la lecture est fluide dedans : si oui, mais pas sur les applications système, il manque probablement le codec HEVC à ce niveau.
Est-ce que désactiver HEVC signifie que le processeur de mon portable est inférieur ou fortement bridé ?
Pas du tout. La capacité de décodage HEVC hardware est toujours présente dans le processeur, mais le système n’inclut pas le codec officiel lui permettant de l’utiliser de façon native. En réalité, c’est plus une décision de licences et de logiciel qu’une limite physique. Les programmes avec leur propre codec peuvent continuer à exploiter la puissance du processeur dans la majorité des cas.
Vaut-il la peine d’acheter un codec HEVC dans le Microsoft Store si mon fabricant l’a désactivé ?
Pour ceux qui travaillent beaucoup avec la vidéo ou consomment énormément de contenus en H.265, payer quelques euros pour activer HEVC à l’échelle du système peut s’avérer pratique : meilleure fluidité, moins de CPU, moins de bugs ou d’erreurs. En revanche, pour un usage très basique ou si la majorité des vidéos sont dans d’autres formats, un lecteur tiers gratuit suffit souvent.
Faut-il privilégier un portable avec le support AV1 et oublier HEVC ?
AV1 gagne du terrain, notamment dans le streaming et certains services en ligne, car c’est un codec ouvert, sans les complications de licences de HEVC. Cependant, beaucoup de contenus — caméras, mobiles, anciennes séries, films — utilisent encore HEVC. Idéalement, en 2025, il faut rechercher des appareils capables de gérer les deux formats : AV1 pour l’avenir, HEVC pour le legacy.
Sources consultées : articles Ars Technica sur la désactivation du HEVC chez HP et Dell, documentation publique d’Access Advance sur les changements de tarifs HEVC, annonce de Synology sur la fin de la transcodification HEVC/H.264/VC-1 dans DSM et BeeStation OS, ainsi que des articles de médias technologiques comme Tom’s Hardware, Engadget et TechSpot sur l’impact de ces décisions pour les utilisateurs finaux.