Globant a rejoint le Réseau IBM Quantum, un écosystème de partenaires et de clients ayant accès à du hardware quantique réel (processeurs de plus de 100 qubits), ainsi qu’à logiciels et bibliothèques Qiskit, à experts, formations et événements d’IBM. Au-delà du simple titre, cette annonce prend de l’importance pour deux raisons : elle met l’accent sur l’Amérique latine — une région où l’intérêt grandit mais la préparation est encore limitée — et rapproche les entreprises de cas d’usage et de pilotes avec des machines quantiques, à un moment où, selon IBM, la technologie approche la utilité concrète.
Cette décision s’inscrit dans un contexte clair : le marché quantique progresse plus rapidement que la préparation moyenne des organizations. Le IBM Institute for Business Value (IBV) estime que le marché mondial de l’informatique quantique est passé de 866 millions de dollars en 2023 à une projection de 4,375 milliards en 2028, avec un taux de croissance composé annuel (TCAC) de 38,3 %. Une mise en garde ferme est émise : entre 450 milliards et 850 milliards de dollars de bénéfice net potentiel pour les utilisateurs finaux pourraient se matérialiser d’ici 2035, mais jusqu’à 90 % de cette valeur ira aux premiers adopteurs. Le problème : l’Index de préparation quantique (QRI) d’IBM situe la préparation moyenne à seulement 22/100.
En Amérique latine, les défis sont spécifiques. Selon les chiffres communiqués dans l’annonce de Globant, les organisations de la région prévoient 13 ans pour intégrer pleinement la computation quantique dans leur activité, et à peine un quart déclare aligner leur stratégie quantique avec leur stratégie globale. Autrement dit : l’intérêt est là, mais il manque une feuille de route claire et une capacité opérationnelle accrue.
Quels sont les avantages pour une entreprise à rejoindre le Réseau IBM Quantum ?
1) Accès à du hardware et des simulations d’envergure entreprise.
IBM exploite la plus grande flotte de ordinateurs quantiques commerciaux, avec des dispositifs >100 qubits et une feuille de route publique. L’accès à des files prioritaires, des runtimes, des simulateurs haute performance et Qiskit permet de passer de la théorie à des expériences reproductibles.
2) Accompagnement et co-innovation.
Les organisations bénéficient de mentorat par des experts, de repositories de circuits et de recettes pour des problématiques types (optimisation, apprentissage machine quantique, chimie). Cela facilite l’identification des cas où le quantique est pertinent (et leur timing), évitant des tests coûteux sans issue.
3) Effet d’écosystème.
Les Organisations Prêtes pour le Quantique (QRO) se démarquent par leur participation active dans des écosystèmes (60 % d’entre elles), ainsi que par leur cultivation de talents internes et externes. En revanche, 93 % des moins préparées ne participent à aucun écosystème. Le réseau agit comme un accélérateur d’apprentissage.
4) Préparer la “première avantage quantique”.
IBM anticipe qu’entre maintenant et fin 2026, nous verrons les premiers résultats avec une avantage quantique pratique (quand une tâche sera résolue mieux, plus précisément ou plus efficacement que dans un système classique “raisonnable”). Ce n’est pas de la science-fiction : c’est la phase suivante après la preuve de l’utilité constatée en 2023-2024.
Où la quantum peut-elle apporter des bénéfices à court et moyen terme ?
Si l’on met de côté le battage médiatique autour de la cryptographie, les cas d’usage les plus matures aujourd’hui concernent :
- Optimisation combinatoire (chaînes logistiques, routing, planification).
- Finances quantitatives (tarification, optimisation de portefeuilles, gestion du risque).
- Chimie / Matériaux (simulations pour médicaments, batteries, catalyse).
- Apprentissage machine hybride (mappages de caractéristiques, noyaux quantiques, VQCs) dans des flux de travail où le composant quantique coexiste avec des pipelines classiques.
Le mot clé est hibridation : la valeur à 2-5 ans viendra de flux de travail cuántico-classiques orchestrés dans le cloud, avec des étapes qui aujourd’hui se concrétisent mieux sur GPU/CPU, et des sous-routines spécifiques envoyées au backend quantique.
Pourquoi l’Amérique latine doit-elle agir dès maintenant (et non attendre “que ça arrive”) ?
- Fenêtre de brevets et R&D : Les QRO sont 2,5 fois plus motivées par la dépôt de brevets et 3,5 fois par accélération de l’innovation. Ce délai d’avance se compose de brevets, de savoir-faire et de données d’expériences qui ne se rattrapent pas tard.
- Talents : La plus grande limite demeure la fossé de compétences. Les QRO sont trois fois plus efficaces pour former, attirer les profils STEM et s’associer avec universités et laboratoires.
- Écosystème régional : La région manque de masse critique de hardware propre. S’intégrer à des réseaux globaux réduit la courbe d’apprentissage et accroît l’exposition à de pratiques utiles.
Que doivent faire dès maintenant les CIO/CTO en Amérique latine (plan en 6 étapes) ?
1) Nommer un leader et un “Pod” quantique.
Une petite équipe (3-6 personnes) avec mandat et KPIs clairs. Le QRI montre que le modèle opérationnel a plus d’impact que la simple technologie dans la préparation actuelle.
2) Cartographier “les problèmes candidats”.
Rechercher des formulations “combinatoires/variables” dans les processus clés : routage, attribution, portefeuilles, matching, scheduling. Prioriser la valeur commerciale et les jeux de données disponibles.
3) Commencer par une approche “hybride”.
Concevoir des POCs avec des workflows quantique-classiques (Qiskit Runtime) et des benchmarks reproductibles (classique vs hybride) avec des métriques d’utilité (qualité de la solution, coût, énergie, délai). Éviter les benchmarks synthétiques sans lien avec l’usage commercial.
4) Investir dans le talent et les partenariats.
Établir des accords avec universités et bootcamps ; offrir des bourses et des rotations ; former aux Python/Qiskit, à la théorie des circuits et à l’optimisation. Participer à IBM Quantum Network et aux forums régionaux.
5) Orchestrer les données, la conformité et la sécurité.
Définir une gouvernance des données et des contrôles pour que les POCs quantiques accèdent à des données réelles en respectant la vie privée et la réglementation (notamment en finance et santé). Préparer des canalisations reproductibles.
6) Mesurer et communiquer la valeur.
Mettre en place des KPIs pour la prédisposition (talent, écosystème, POCs), les apprentissages techniques (algorithmes, scalabilité), et l’impact (économies, revenus potentiels). L’IBV prévoit une augmentation de >300 % du retour sur investissement en 10 ans pour ceux qui investissent dès aujourd’hui.
Risques et attentes réalistes
- ROI à court terme : La quantique ne remplace pas les systèmes actuels en 12-24 mois ; il faut la considérer comme un portefeuille d’options à fort potentiel.
- Hardware en évolution : Les qubits physiques restent bruyants ; le progrès réside dans le scalement, la mitigation des erreurs et de meilleurs compilateurs. L’utilité se concrétise dans des tâches spécifiques, pas dans des problèmes génériques.
- Absence de “killer app” universelle : la voie est tracée par des cases d’usage verticaux avec des données et contraintes réelles ; il faut éviter de poursuivre des avantages absolus sans maîtrise du contexte métier.
Implication pour Globant (et pour la région LATAM)
- Accélérateur de POCs : accès à hardware, Qiskit et mentors permet de réduire l’expérimentation aléatoire et de développer des POCs mesurables.
- Forte activité de formation : ses AI Pods et initiatives sectorielles peuvent intégrer la formation quantique et fournir des « équipes hybrides » aux clients.
- Écosystème régional : sa présence peut regrouper banques, énergétiques, opérateurs télécoms et santé en projets collaboratifs, accélérant la courbe d’apprentissage.
Checklist “quantum readiness” (90 jours)
- Sponsor exécutif et équipe désignés (responsable, plan, KPIs).
- Top 3 cas potentiels avec un fort impact identifiés et priorisés.
- Accès à IBM Quantum / simulateurs et environnement Qiskit prêt (Git, CI/CD, gestion de versions).
- Accord avec université ou laboratoire pour un pipeline de talents et validation académique.
- Premier POC défini (dataset, métriques, baseline classique, budget, échéances).
- Rapport initial de préparation (QRI interne) pour orienter la feuille de route et le budget 2026.
Questions fréquentes
Que signifie “première avantage quantique” et quand arrivera-t-elle ?
C’est le moment où un système quantique effectue un calcul plus précis, moins coûteux ou plus efficace qu’un système classique raisonnable. IBM prévoit des signaux clairs de cette avantage avant la fin 2026; ils apparaîtront par domaines (pas tous en même temps).
Combien doit-on investir maintenant ?
Il ne faut pas forcément de gros CAPEX pour du hardware, mais plutôt prévoir un budget d’exploration : accès à IBM Quantum, formation en Qiskit, POCs bien définis et talent. En 2023, les organisations ont consacré environ 7 % de leur R&D à la quantique, avec une augmentation prévue de environ 25 % d’ici 2025.
Quels profils sont nécessaires en interne ?
Un mélange de scientifiques des données / optimiseurs, d’ingénieurs logiciel (Python/Qiskit), d’architectes cloud pour l’orchestration hybride, et d’un owner de business fixant les KPIs. Il faut aussi s’appuyer sur des partenaires (IBM/Globant) et l’académie.
Comment éviter que des POCs ne mènent à rien ?
Définir un baseline classique, une métrique d’utilité, des données réelles et des critères de sortie. Prioriser des problèmes combinatoires avec des contraintes adaptables à des algorithmes variationnels ou à l’optimisation quantique. Documenter chaque apprentissage, même si le POC ne “gagne” pas.
Sources
- Globant : “Globant rejoint le Réseau IBM Quantum” (annonce et chiffres régionaux sur l’alignement stratégique et l’horizon d’adoption).
- IBM Institute for Business Value (IBV) : “Rendre la readiness quantique concrète” (Quantum Readiness Index, marché, investissements et répartition de la valeur).
Morale pour la région : la valeur quantique ne s’achète pas quand elle arrive, elle se gagne dès aujourd’hui en se formant. La décision de Globant invite les CIO latino-américains à passer de l’intérêt à la pratique.