Titre : La lutte contre la piraterie en ligne prend un tournant en France et en Espagne
Un nouveau chapitre s’écrit dans le débat sur la lutte contre la piraterie en ligne en France et en Espagne, où autorités et titulaires de droits cherchent à renforcer les mesures contre l’accès aux contenus illégaux. Cependant, ces actions récentes entraînent des conséquences imprévues, affectant la vie privée et la sécurité sur Internet ainsi que de nombreuses entreprises légitimes.
Nouvelle offensive contre la piraterie en France
Depuis des années, les sites pirates font l’objet de blocages via les fournisseurs d’accès Internet et, plus récemment, les résolveurs DNS. Pourtant, ces stratégies se révèlent insuffisantes. En France, des entreprises comme Canal+ et la Ligue de Football Professionnel (LFP) ont introduit des mesures judiciaires pour contraindre des services VPN populaires tels que CyberGhost, ExpressVPN, NordVPN, ProtonVPN et Surfshark à interdire l’accès à des sites de piraterie.
Les fournisseurs de VPN affirment que leur mission principale est de garantir la vie privée et la sécurité de leurs utilisateurs et qu’ils ne peuvent être tenus responsables du contenu auquel ces derniers accèdent. Néanmoins, ils pourraient faire face à des ordres de blocage semblables à ceux imposés aux fournisseurs d’accès Internet et aux résolveurs DNS par le passé.
Des fournisseurs de VPN envisagent de quitter la France
La demande de blocage n’a pas encore été validée, mais plusieurs entreprises concernées ont déjà exprimé leurs inquiétudes. La VPN Trust Initiative (VTI), qui regroupe ExpressVPN, NordVPN et Surfshark, considère cette mesure comme un précédent dangereux. Christian Dawson, directeur exécutif de la coalition i2Coalition, a averti que les fournisseurs de VPN pourraient envisager de quitter la France si cette mesure est adoptée, comme cela a été le cas dans d’autres pays ayant des réglementations strictes.
Des précédents, notamment en Inde et au Pakistan, montrent que lorsque la vie privée ou la sécurité des utilisateurs est menacée, certains services préfèrent se retirer du marché plutôt que de compromettre leurs principes de cryptage ou de politiques de conservation des données. Dans ce climat, Cisco a déjà suspendu son service OpenDNS en France pour éviter des problèmes similaires.
Des blocages massifs d’IP en Espagne nuisent aux entreprises légitimes
Pendant que les VPN sont au centre des préoccupations en France, en Espagne, LaLiga intensifie sa lutte contre la piraterie du football par une série de blocages d’IP imposés par des fournisseurs d’accès tels que Movistar, O2 et Digi. Ces mesures, destinées à limiter l’accès à des sites diffusant du contenu illégal, engendrent des effets collatéraux troublants.
L’un des problèmes majeurs est le blocage indiscriminé des adresses IP de Cloudflare, qui impacte des milliers de sites web et d’entreprises en ligne non liés à la piraterie. Des sociétés s’appuyant sur Cloudflare pour renforcer la sécurité et la performance de leurs plateformes signalent des pannes de service et des difficultés d’accès à leurs propres sites, entraînant des pertes financières et un mécontentement au sein de la communauté technologique.
Les experts avertissent que ces mesures sont mises en œuvre sans contrôle ni supervision suffisants, engendrant des dommages collatéraux graves. Des petites et moyennes entreprises, des e-commerces et des services en ligne sont touchés, soulevant des doutes quant à l’efficacité et la proportionnalité de ces blocages.
Inquiétudes sur des précédents mondiaux
Ces initiatives non seulement génèrent de l’incertitude sur le marché européen, mais établissent aussi un précédent préoccupant au niveau mondial. Des pays comme la Chine, la Russie et l’Iran imposent des restrictions sur les services VPN dans le cadre de leurs stratégies de censure numérique. D’autres régions, telles que la Malaisie, la Corée du Sud et l’Australie, ont connu des efforts de filtrage IP qui ont abouti à des blocages excessifs de contenu légitime, compromettant l’accès ouvert à Internet.
Les critiques mettent en garde que la normalisation de telles régulations pourrait ouvrir la voie à des mesures encore plus restrictives à l’avenir. De plus, si certains fournisseurs de VPN se retirent du marché français, les utilisateurs pourraient être contraints de se tourner vers des services moins sécurisés, avec des normes de confidentialité défaillantes.
Prochaines étapes et conséquences futures
Actuellement, en France, aucune ordonnance de blocage n’est en vigueur, la demande judiciaire étant toujours en attente d’examen lors d’une audience prévue le mois prochain. Toutefois, si elle est acceptée, les entreprises concernées pourraient faire appel de la décision devant les tribunaux européens.
ProtonVPN a d’ores et déjà annoncé qu’il était prêt à porter l’affaire devant la Cour de justice de l’Union européenne, et d’autres fournisseurs pourraient s’associer à la défense d’un Internet libre et sécurisé.
En Espagne, les associations d’entreprises technologiques et les groupes de défense de la vie privée exercent des pressions pour reconsidérer les blocages massifs d’IP nuisant aux entreprises légitimes. LaLiga et les fournisseurs d’accès Internet évitent de commenter l’ampleur du problème, mais le nombre croissant de touchés pourrait conduire à des actions judiciaires ou à des demandes de transparence concernant l’application de ces mesures. Même Cloudflare a annoncé qu’il avait intenté une action en justice contre LaLiga pour ces blocages indiscriminés.
La VTI et d’autres organisations soutiennent qu’une meilleure stratégie contre la piraterie consisterait à s’attaquer aux sites et services illégaux à leur source, plutôt que d’imposer des restrictions qui risquent de fragmenter l’accès à Internet à l’échelle mondiale. Dawson conclut que les mesures de blocage généralisé ne constituent pas une solution efficace, mais plutôt une menace pour la sécurité, la vie privée et la stabilité de l’écosystème numérique.
(Source : Actualités Sécurité)