FLOPPINUX : le défi d’installer Linux « moderne » sur une disquette de 1,44 Mo redevient possible (avec astuce et beaucoup d’ingénierie)

FLOPPINUX : le défi d’installer Linux « moderne » sur une disquette de 1,44 Mo redevient possible (avec astuce et beaucoup d’ingénierie)

À une époque où les systèmes d’exploitation se mesurent en gigaoctets et où les mises à jour arrivent en paquets de plus en plus volumineux, un projet open source prouve—plus par défi technique que par nécessité pratique—qu’il est encore possible de faire l’impensable : démarrer une distribution Linux complète à partir d’une seule disquette 3,5″, avec à peine 1,44 Mo d’espace. Il s’agit de FLOPPINUX, dont la proposition est aussi directe que provocatrice : « Linux From Scratch », mais appliquée à la création d’une distribution minimale qui tient dans une unité aujourd’hui considérée comme archéologique.

Bien loin d’être une simple curiosité, FLOPPINUX s’est mué en un petit laboratoire pédagogique pour comprendre ce qui est essentiel dans un système Linux et ce qui ne l’est pas. Son auteur et la communauté qui l’entoure repoussent les limites avec une idée claire : construire un environnement fonctionnel, démarrable et utile, même en mode terminal, pour apprendre et expérimenter. Dans sa version la plus récente, le projet explique comment compiler un noyau et assembler un ensemble minimal d’outils pour obtenir un démarrage réel sur du matériel ancien ou via des émulateurs.

Un Linux complet… qui démarre directement en terminal et conserve les modifications

Ce qui démarque ce projet, c’est qu’il ne se limite pas à une simple démonstration : FLOPPINUX démarre dans un terminal Linux opérationnel et intègre aussi un stockage persistant (limité, mais réel) pour sauvegarder de petits fichiers. La documentation du dépôt mentionne 264 Ko réservés à la persistance, accompagnés d’outils essentiels et d’un éditeur de texte de type vi, permettant ainsi d’effectuer des tests, de modifier des fichiers et d’exécuter des tâches très basiques sans tout perdre au redémarrage.

Les exigences minimales évoquent aussi une certaine dimension rétro… mais restent cohérentes avec l’objectif : compatibilité avec les processeurs x86 32 bits à partir de l’Intel 486DX, un minimum de 20 Mo de RAM et, bien sûr, une disquette fonctionnelle. Dans la « workshop » du projet, cette démarche est présentée comme une distribution « complète » qui tient sur une disquette, conçue pour raviver du matériel ancien, pour des systèmes embarqués ou tout simplement à des fins pédagogiques.

Kernel 6.14.11, support i486 et l’art de réduire à l’essentiel

Un des points qui suscite le plus d’intérêt est que FLOPPINUX arbore un kernel Linux 6.14.11 supportant l’i486, ce qui oblige à faire preuve d’une grande précision : configuration minimale, modules réduits au strict nécessaire, suppression de tout ce qui n’est pas indispensable. Le résultat n’est pas un « Linux miniature » à la manière des années 90, mais une démarche contemporaine d’extrême réduction, où chaque pilote, chaque option de compilation et chaque outil comptent.

Faire « du Linux moderne dans une disquette » revient aussi à relever un défi technique : compiler et ajuster un noyau actuel pour qu’il tienne dans un espace infime, tout en conservant la compatibilité avec l’i486. Un article récent de Hackaday résumait cela avec franchise : c’est réalisable, mais plus comme une démonstration de limites que comme une distribution pratique. Des problèmes concrets apparaissent, tels que les dépendances ou la fragilité du support physique, disquettes et unités vieillies.

À quoi cela sert-il en 2025 ? Éducation, informatique rétro et culture des systèmes

FLOPPINUX ne vise pas à concurrencer les distributions légères pour Raspberry Pi ni à remplacer un rescue disk moderne sur USB. Sa valeur réside ailleurs : il oblige à comprendre, de manière concrète, l’anatomie minimale d’un Linux pouvant démarrer.

Dans un monde dominé par les conteneurs, orchestrateurs et couches d’abstraction, un tel projet recentre sur des questions très concrètes :

  • Que faut-il réellement au noyau pour démarrer et fournir une console fonctionnelle ?
  • Quelles sont les outils indispensables pour manipuler des fichiers, diagnostiquer et effectuer des opérations minimales ?
  • Comment gérer l’espace lorsque la marge d’erreur se mesure en kilobytes ?

Pour les profils techniques — qu’ils soient administrateurs de systèmes, curieux de l’histoire de la plateforme ou étudiants en informatique — FLOPPINUX constitue une leçon condensée sur boot, configuration du noyau, toolchains, BusyBox, et l’équilibre entre fonctionnalité et taille. Il n’est pas anodin que le dépôt le compare à Linux From Scratch, mais dans l’idée d’une distro se tenant sur un seul disquette : l’objectif n’est pas d’installer « quelque chose », mais de le construire en comprenant chaque pièce.

Un projet open source sans contraintes… même sur la licence

Un autre point notable dans l’écosystème open source est la licence : le dépôt indique CC0-1.0, une approche très permissive qui facilite la réutilisation, l’adaptation du tutoriel, et l’expérimentation sans les frictions légales souvent rencontrées. Le projet accompagne également sa documentation sous divers formats (incluant ateliers pratiques et guides), soulignant son caractère pédagogique et sa vocation à être reproduit par d’autres.

Et même si FLOPPINUX peut sembler un projet de niche, ses chiffres montrent une activité soutenue et de nombreuses étoiles sur son dépôt, signe que ce défi captivent la communauté du retropcisme et ceux qui aiment exploiter au maximum les systèmes.

Le message essentiel : quand le logiciel retrouve ses limites physiques

FLOPPINUX agit aussi comme un commentaire culturel sur l’état actuel du logiciel : depuis des décennies, la tendance a été de supposer qu’il y aurait toujours plus de CPU, de RAM, de stockage. Ces projets inversent cette hypothèse : ils obligent à concevoir en tenant compte de limites strictes et à justifier chaque dépendance.

Le plus grand mérite n’est pas seulement de « faire démarrer Linux sur une disquette », mais ce que cela révèle du processus : qu’avec une connaissance approfondie, une réduction agressive et de la patience, on peut encore faire plier la réalité technique vers un objectif qui semblait éteint. Et, parallèlement, que l’informatique conserve une part d’artisanat lorsqu’on joue avec ses marges.


Questions fréquentes

Que peut-on vraiment faire avec FLOPPINUX une fois démarré ?
Il démarre dans un terminal Linux fonctionnel avec des utilitaires de base (et un éditeur type vi), suffisant pour manipuler des fichiers, réaliser des tests simples et expérimenter dans un environnement minimal.

Quel est le matériel minimum nécessaire pour faire fonctionner FLOPPINUX sur un PC réel ?
Le projet cible des CPU x86 32 bits dès Intel 486DX, avec au moins 20 Mo de RAM et une disquette 3,5″ en état de fonctionnement.

Pourquoi FLOPPINUX utilise-t-il un noyau moderne alors que l’objectif est une disquette ?
Parce que le défi réside précisément dans cela : démontrer jusqu’où il est possible de réduire et configurer un noyau actuel avec support pour l’i486, tout en gardant un démarrage fonctionnel dans un espace très limité. (GitHub)

FLOPPINUX est-il encore utile comme « disque de secours » aujourd’hui, ou n’est-ce qu’une curiosité ?
Il peut servir à l’apprentissage et à l’expérimentation, mais son objectif principal reste technique et éducatif : explorer les limites, dépendances et la construction minimale d’un Linux, plutôt que de remplacer les outils modernes de récupération.

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