Cisco franchit une étape importante dans sa stratégie de computation quantique en dévoilant son premier microprocesseur générateur d’intrication quantique, capable de produire jusqu’à 200 millions de paires de photons intriqués chaque seconde. Développé par son Quantum Lab basé à Santa Monica, ce dispositif est conçu pour servir de pierre angulaire dans le développement de réseaux quantiques distribués, évolutifs et compatibles avec les infrastructures classiques de réseaux et de centres de données.
Reza Nejabati, responsable du Quantum Lab chez Cisco, souligne que « bien que la promesse de la computation quantique soit immense, sa véritable réalisation passera par sa praticité, son accessibilité et sa sécurité pour résoudre des problématiques concrètes de la société ».
L’entreprise met désormais l’accent sur l’application concrète de la technologie quantique, en s’éloignant de la seule recherche académique. Le nouveau microprocesseur repose sur une architecture économe en énergie et fonctionne à température ambiante, ce qui élimine le besoin de systèmes cryogéniques complexes. Son principe de fonctionnement consiste à injecter la lumière d’un laser dans le microprocesseur, qui transforme chaque photon en deux photons de moindre énergie, intriqués et compatibles avec les fréquences de télécommunications. Cela permet leur transport via la fibre optique traditionnelle sans infrastructure supplémentaire.
Ce microprocesseur constitue « le premier module de notre réseau quantique, » affirme Nejabati, « qui permet de connecter des ordinateurs quantiques via des réseaux de fibres déjà existants, unifiant la computation quantique et classique de manière fluide. »
Plutôt que de construire des ordinateurs quantiques massifs, Cisco préfère opérer un réseau distribué reliant plusieurs petits nœuds quantiques. La société développe aussi des interrupteurs quantiques, des interfaces réseau et des mécanismes de routage qui conservent les propriétés d’intrication des qubits, dans le but d’accélérer le déploiement d’applications concrètes dans les secteurs de la logistique, de la santé, de l’intelligence artificielle, de la cybersécurité ou encore de la synchronisation précise du temps.
« Nous bâtissons l’Internet quantique, » déclare Vijoy Pandey, vice-président d’Outshift, l’incubateur d’innovation de Cisco. « Et nous le faisons de manière indépendante des technologies, avec une feuille de route claire vers la commercialisation. »
Par ailleurs, Cisco se penche sur la sécurité post-quântique en intégrant des algorithmes de cryptographie standards du NIST dans ses produits et travaille à la mise en œuvre de technologies de distribution de clés quantiques via ses routeurs, utilisant le protocole SKIP.
« Le QKD nous permet de contrer les attaques du type ‘collecter maintenant, déchiffrer plus tard’, qui pourraient exploiter les capacités quantiques futures, » explique Ramana Kompella de Cisco Research.
L’entreprise encourage aussi la création d’un écosystème ouvert, collaborant avec des universités telles que UC Santa Barbara, le Chicago Quantum Exchange, l’Université de l’Arizona, et des organisations comme la Linux Foundation ou l’IETF.
Ce microprocesseur suscite déjà l’intérêt dans des domaines tels que la finance, l’automobile, la santé ou la robotique. Parmi ses applications potentielles à court terme figurent la vérification de la position quantique, la coordination instantanée des décisions, ou la synchronisation de temps ultra précise pour les systèmes autonomes.
Sa haute fidélité, au-delà de 99 %, et sa consommation électrique très faible (moins de 1 mW par unité) en font une technologie idéale pour une intégration dans les centres de données, où elle pourra coexister avec l’architecture classique et l’intelligence artificielle, contribuant ainsi à relever les défis énergétiques du secteur.
Voulant faire de cette avancée une initiative globale, Cisco souligne l’importance de la collaboration mondiale pour réaliser le plein potentiel de la computation quantique. « Nous créons les connecteurs essentiels pour le réseau quantique de demain, » conclut Kompella, « mais cela ne peut se faire sans une communauté internationale engagée. »
Avec cette annonce, Cisco ne se contente pas d’entrer dans la course à la technologie quantique, mais adopte une vision globalement intégrée : une infrastructure distribuée, sécurisée, ouverte et conforme aux standards d’Internet, rapprochant ainsi la réalité de l’ère quantique.