lithographie, qui consiste à graver des motifs microscopiques sur des wafers de silicium. Dans ce domaine, ASML, basée aux Pays-Bas, s’est imposée comme l’acteur clé de l’industrie mondiale. Sa technologie de lithographie EUV (extrême ultraviolet) est aujourd’hui indispensable, et sa progression vers High-NA (ouverture numérique de 0,55) promet de dessiner l’avenir des semi-conducteurs.
Ce article retrace l’histoire de la lithographie, le rôle pionnier d’ASML, et la transition de l’entreprise, qui est passée de lampes au mercure à des systèmes capables de projeter une lumière d’une longueur d’onde de seulement 13,5 nanomètres, soit plus de 14 fois plus courte que celle de la lumière ultraviolet profond (DUV).
De la lumière bleue à l’ultraviolet : origines
Lors de sa fondation en 1984, la lithographie utilisait des lampes à vapeur de mercure. Cette technologie émettait une lumière bleue d’une longueur d’onde de 436 nm (g-line), suffisante pour imprimer des transistors de 1 micromètre (1 000 nm).
Rapidement, l’industrie exigea une miniaturisation accrue, ce qui mena à l’adoption de l’i-line (365 nm). Ces systèmes permirent de réduire les dimensions à 220 nm, une étape essentielle vers l’ère numérique moderne.
Le progrès crucial survint dans les années 80 avec l’utilisation de lasers excimères, des sources de lumière plus précises et stables. Initialement, ce furent les KrF (fluorure de krypton) à 248 nm, qui propulsèrent l’industrie vers des tailles de 150 nm puis jusqu’à 80 nm. La génération suivante, les ArF (fluorure d’argon), abaissa la longueur d’onde à 193 nm, atteignant des tailles de 38 nm.
Chaque avancée nécessitait des investissements en optique, sources de lumière et matériaux photosensibles, mais toutes répondaient au même besoin : rendre les puces plus petites et plus puissantes.
L’arrivée de l’EUV : un pari risqué
L’idée d’utiliser la lumière ultraviolette extrême (EUV) débuta dans les années 80. La clé était d’employer des longueurs d’onde de 13,5 nm, ouvrant la voie à l’impression de caractéristiques 14 fois plus petites qu’avec la DUV.
En 1994, un consortium d’entreprises — notamment avec ASML en tête — parvint à un prototype démontrant la faisabilité du concept. Cependant, le chemin fut long et coûteux.
- En 2006, ASML envoya le premier outil de démonstration EUV au College of Nanoscale Science & Engineering à Albany (États-Unis) et à imec en Belgique.
- En 2008, malgré la crise financière, furent réalisés les premiers chips de test avec EUV.
- En 2010, livraison du TWINSCAN NXE:3100, un système de préproduction marquant une étape majeure.
- En 2013, arriva le NXE:3300, le premier système de EUV destiné à la production en série.
Après des années de doutes, de retards et d’ajustements, en 2016, la lithographie EUV fut enfin confirmée. Début 2020, ASML fêtait l’envoi de son système EUV numéro 100.
Comment se créée la lumière EUV
La génération EUV fut un défi majeur. Il n’existe pas de source naturelle sur Terre, ce qui obligea ASML à inventer une technique radicale :
- Gouttes d’étain fondu de 25 micromètres sont propulsées à 70 mètres par seconde.
- Un premier laser aplatis chaque goutte en un disque.
- Un second laser, beaucoup plus puissant, vaporise la goutte pour créer un plasma.
- Ce plasma émet de la lumière de 13,5 nm, collectée et dirigée vers le système optique.
Ce processus se répète 50 000 fois par seconde, transformant chaque machine en une sorte de « réacteur d’étoiles en miniature » dans une salle blanche.
Le saut vers High-NA : la nouvelle frontière
Avec la maturation de la technologie EUV, ASML a avancé vers une version plus ambitieuse : l’EUV High-NA, qui augmente l’ouverture numérique de 0,33 à 0,55. Cela signifie une résolution accrue, un contraste plus élevé, et la capacité d’imprimer des transistors de 8 nm en une seule exposition.
La nouvelle plateforme EXE comprend :
- Des optiques redessinées en collaboration avec ZEISS SMT, réduisant les aberrations.
- Des étapes de wafers et de masques plus rapides, augmentant la productivité.
- Une densité presque trois fois supérieure à celle des systèmes EUV classiques.
Le premier système High-NA fut livré en décembre 2023, avec une mise en production prévue pour 2025–2026.
Impact sur l’industrie des semi-conducteurs
L’adoption de l’EUV, et particulièrement du High-NA, redéfinit la trajectoire des fabricants tels qu’Intel, TSMC et Samsung.
- Intel a confirmé que son nœud 14A utilisera la technologie High-NA, bien que cette avancée ait un coût plus élevé, suscitant des doutes sur la rentabilité.
- TSMC se montre plus prudente : elle pourrait retarder son adoption et continuer d’optimiser l’EUV conventionnelle pour maintenir des prix compétitifs.
- ASML devient un acteur géostratégique : aucun autre fournisseur ne produit d’EUV, ce qui confère à l’Europe une position unique dans un secteur dominé par l’Asie et les États-Unis.
Cependant, le coût demeure phénoménal : chaque scanner High-NA coûte environ 380 millions de dollars, contre 235 millions pour l’EUV standard. Néanmoins, les fabricants savent que sans cette technologie, il serait impossible de continuer à réduire la taille des transistors et à faire vivre la loi de Moore.
ASML, 40 ans d’innovation
Depuis sa création en 1984, ASML est passée de la fabrication de systèmes avec lampes au mercure à devenir la seule société capable de fournir de l’EUV à l’échelle mondiale. Aujourd’hui, ses machines équipent toutes les usines de semi-conducteurs de pointe et constituent un goulet d’étranglement technologique : sans elles, il n’y aurait ni smartphones, ni serveurs, ni intelligence artificielle telle que nous la connaissons.
L’avenir consiste à continuer de repousser les limites de la physique et de l’économie : une lithographie plus précise, une productivité accrue, des coûts durables. Le défi est colossal, mais ASML a déjà prouvé qu’il est capable de réaliser l’impossible dans ce domaine.
Questions fréquemment posées (FAQ) sur ASML et la lithographie EUV
Que signifie EUV lithography ?
La lithographie EUV (Extreme Ultraviolet Lithography) est une technique de fabrication de chips utilisant une lumière ultraviolette extrême de 13,5 nm pour imprimer des transistors bien plus petits que par le passé.
Quelle différence entre EUV traditionnel et EUV High-NA ?
L’High-NA augmente l’ouverture numérique de 0,33 à 0,55, permettant une résolution accrue et une densité de transistors presque tripliée.
Pourquoi les machines EUV d’ASML sont-elles si coûteuses ?
Parce qu’elles combinent des optiques de précision atomique, des systèmes sous vide extrêmes, des lasers de haute puissance et des sources de plasma sophistiquées. Chaque unité coûte entre 235 et 380 millions de dollars.
Quand le High-NA sera-t-il en production de masse ?
Les premiers systèmes ont été livrés et leur mise en production en volume est attendue entre 2025 et 2026, notamment pour des nœuds comme Intel 14A.
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